ADAPTATION D’UNE TRILOGIE DE TOM LANOYE JAMAIS TRADUITE EN FRANÇAIS, LA SÉRIE LE MONSTRE DIVIN ÉTAIT RÉCEMMENT PRIMÉE EN CHINE. UNE NOUVELLE VIE POUR CETTE SAGA FAMILIALE, SORTE DE DALLAS À LA FLAMANDE SUR FOND DE SCANDALES POLITIQUES ET FINANCIERS?

Lors d’une partie de chasse dans le sud de la France, Katrien Deschryver abat malencontreusement son mari qu’elle confond avec une bête sauvage. Un terrible accident certes. Mais qui aura pour la police des allures d’homicide. Le couple battait de l’aile, le défunt entretenait une liaison avec la soeur de Katrien tout en étant le directeur financier de l’entreprise de tapis plain gérée par Léo, l’oncle de cette dernière, adepte des petites combines et des grosses magouilles. Ainsi commence Le Monstre divin. Etrange objet télévisuel à la croisée des genres. Trash et corrosive saga familiale en dix épisodes ayant pour décor la Belgique des années 90.

Damant notamment le pion à Brian Percival (Downton Abbey), Hans Herbots a récemment reçu le prix du meilleur réalisateur au festival des programmes télévisés de Sichuan (Chine) pour ce feuilleton diffusé il y a plus de deux ans déjà au nord du pays et disponible pour les Francophones au format DVD en vo sous-titrée. L’histoire d’une famille puissante et nombreuse. De notre pays. De sa politique. D’une époque, la fin du siècle dernier, où après les CCC et la bande de Nivelles se succèdent le scandale Dutroux et l’affaire Agusta. Un moment charnière où le Belge perd toute confiance en ses institutions.

Le Monstre divin est adapté d’une trilogie (Het Goddelijke Monster, Zwarte Tranen et Boze Tongen) du romancier, poète, chroniqueur et scénariste Tom Lanoye. L’un des auteurs néerlandophones les plus lus et primés. Un écrivain audacieux, provocateur, satirique, qui plonge ici la bourgeoisie flamande dans les sales draps de la corruption et des coups bas. Fait parler les morts et taire les vivants quand il ne les emmène pas dans une dark room de club homo le nez fraîchement repoudré…

« Chez mon père, il y avait six frères et six soeurs, raconte dans un café d’Anvers, à deux pas de chez lui, le réalisateur Hans Herbots. Les Deschryver ne sont pas des gens diaboliques. Mais en essayant de se faire du bien à eux-mêmes, ils ont fait beaucoup de mal à la société. L’idée d’une grande famille qui prend soin d’elle pour le pire et le meilleur me plaisait. Comme le personnage de Katrien qui ne faisait pas grand-chose au milieu de la tempête mais à l’intérieur de laquelle un volcan bouillonnait. J’avais aussi surtout été séduit par la toile de fond. J’ai le sentiment que tous ces drames des années 90, l’affaire Dutroux et compagnie, ont marqué de nombreux esprits. Moi, personnellement, j’ai vécu ces grands événements assez intensément. Je lisais beaucoup les journaux. Je m’intéressais à la politique. »

Bon nombre de réalisateurs et de producteurs avaient déjà à l’époque contacté Tom Lanoye pour adapter ses romans. Sans succès. « J’avais une vision à la fois idéaliste et naïve du projet. Je m’imaginais réaliser trois films. Façon Seigneur des anneaux. Les tourner en même temps. Et les sortir de trois mois en trois mois. Ce qui était évidemment impossible financièrement parlant. Le producteur Peter Bouckaert, chez Eyeworks, se lançait dans les séries télé. A l’époque, notamment grâce à HBO, leur image changeait. Et il est maintenant évident que c’est le format qu’il nous fallait.  »

Le contenu du triptyque romanesque est tellement riche que trois longs métrages n’auraient pas suffi. Puis la télé lui a offert une énorme visibilité.

« En tant que réalisateur, on aime évidemment faire des films. Mais un succès en salles est synonyme de 200 ou 300 000 spectateurs. Alors qu’à la télé, le dimanche soir, sur Eén, on parle de plus d’un million de personnes devant son petit écran. » Le genre de vitrine qu’espérait Lanoye, désireux de toucher un grand public. « Puis, il a toujours davantage considéré Le Monstre divin comme une série que comme un film. Ça lui rappelle Dickens et ses premiers romans, publiés sous forme de feuilletons dans les journaux.  »

Remake américain

Le Monstre divin a été tourné en 120 jours, cinq ou six mois de travail, il y a pratiquement quatre ans maintenant. Si Tom Lanoye a toujours soutenu le projet, il n’a pas touché au scénario. Estimant qu’il avait déjà consacré une assez grande partie de sa vie à cette trilogie. Herbots, lui, dit avoir été marqué par le langage visuel de Baz Luhrmann, Six Feet Under, la mini-série Angels in America, Le Fabuleux Destin d’Amélie Poulain ou encore le Dancer in the Dark de Lars von Trier.

Etonnamment, la série n’a pas franchi la frontière linguistique. « On a longtemps pensé que cette fiction était très belge. Et on a essayé de la vendre à la RTBF mais ça n’a pas marché. Aujourd’hui, je suis surtout très excité par l’idée d’un remake aux Etats-Unis. Un scénariste américain a tout vu. En a bien cerné l’esprit. Et écrit actuellement un pitch. Chaque pays a ses scandales, ses mouvements citoyens… Je suis curieux de voir ce que seraient les équivalents américains d’une affaire Dutroux et d’une Marche blanche.  »

Adepte des adaptations littéraires, Herbots avait déjà tiré son film Bo d’un roman à succès de Dirk Bracke contant la descente aux enfers d’une adolescente qui découvre le métier d’escorte. Son nouveau long métrage, De Behandeling, donne vie à The Treatment de Mo Hayder.

« Ecrire un scénario prend quatre ou cinq ans et je n’en ai pas la patience. Alors je trouve des bouquins et je bosse avec des scénaristes. Quand un livre est un succès, il a été vendu 10 000 fois. C’est une base solide mais pas une pression démesurée. »

TEXTE Julien Broquet

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