LES ARCTIC MONKEYS MURISSENT ET DESCENDENT DE LEUR ARBRE AVEC UN ALBUM POP ET VINTAGE AU TITRE AMBIGU, SUCK IT AND SEE, ENREGISTRÉ AU MÊME ENDROIT QUE LE NEVERMIND DE NIRVANA. COME AS YOU ARE…

Les White Stripes et les Libertines ont mis la clé sous le paillasson. Les Strokes se sont méchamment pris les pieds dans le tapis. Il n’y a définitivement plus grand monde pour tenir la baraque. On peut pratiquement compter sur un doigt le nombre de groupes à guitares fédérateurs en activité nés depuis que les tours se sont écroulées… Et ce doigt, un majeur sans doute, correspond aux Arctic Monkeys, qui jouent le contrepied et déballent un 4e album étonnamment pop.

En 5 ans, Alex Turner a changé. Le gamin boutonneux de Sheffield dont il fallait tirer les vers du nez est devenu un beau gosse enclin à tenir le crachoir. La timidité arrogante a disparu. Et quand il donne rendez-vous à la presse à Paris, ce n’est plus pour foutre toute la journée promo en l’air en se barrant voir la Tour Eiffel. Les Monkeys auraient eu du mal à récupérer la caution de leur villa louée sur les collines d’Hollywood. Mais comme disait Turner:  » Si tu ne peux pas t’égarer un peu à Los Angeles sur ton 4e album, quand le peux-tu?… »

A l’étage d’un petit restaurant parisien tout près de Pigalle, flanqué de son batteur Matt Helders (Rufus Black quand il se produit avec un certain P Diddy), Turner carbure à l’eau plate.

Vous déclariez récemment qu’aujourd’hui, vous pouviez faire n’importe quoi. C’est parce que vous savez comment le faire sonner tout en conservant votre identité ou parce que vous disposez d’un tel crédit que tout le monde en dira du bien?

Alex Turner: Quoi qu’on fasse, ça reste nous. Ça s’entend. On peut partir dans le désert enregistrer avec Josh Homme ou adopter une approche plus difficile comme cette fois, où j’ai innové en commençant par écrire toutes les chansons, vous reconnaîtrez toujours les Arctic Monkeys. Je pensais que notre son résultait d’une façon de travailler. Qu’il était comme un puzzle se modifiant en fonction de l’assemblage des pièces. Qu’on changeait un riff ou une batterie de place et que ça nous permettait d’avancer en restant nous-mêmes. Maintenant, j’ai réalisé que ça n’avait rien à voir avec tout ça. Que quoi que nous entreprenions, c’était dans nos gènes. Je ne crois pas qu’on nous suit aveuglément. Sans prétendre qu’on nous attend au tournant, nous devons continuer à essayer de faire en sorte que notre musique sonne bien. Ou à tout le moins que nous l’aimions. On ne convainc personne sans être convaincu soi-même.

Vous êtes à nouveau parti enregistrer en Californie?

A.T. : Le studio, là où nous avons passé la majorité de notre temps, a eu ses heures de gloire mais il n’avait rien de bien luxueux. Il est situé dans la vallée.

Ce n’est pas un de ces endroits d’enregistrement super hollywoodiens. Il était juste parfait pour ce que l’on souhaitait. Quelque chose de très live. Un son de batterie robuste. D’incroyables albums y ont été enregistrés. Et il se fait qu’il est situé en Californie. Que le soleil y brille en janvier. Ça a foutu tout le monde de bon poil. On n’a pas arrêté de déconner. En attendant, toute la production du disque était terminée avant de prendre la direction des Etats-Unis. Nous avions travaillé avec James Ford, dans un studio d’enregistrement à Londres, à prévoir ce que tout le monde allait jouer. Toutes les chansons datent de l’été dernier. Alors quand nous nous sommes mis à enregistrer, il s’agissait d’avoir le meilleur album et le meilleur son possible. On était vraiment organisés pour une fois.

Vous dites que les Byrds et le Velvet Underground ont influencé ce nouvel album. Il a en même temps quelque chose de très anglais?

A. T.: Quand je parle des Byrds, je pense au charme de leurs guitares. Mais nos grattes sur ce disque ont aussi un côté Stone Roses parfois. En ce qui concerne le Velvet, c’est plus une question d’écriture. Je voulais écrire des chansons en clés majeures mais des trucs un peu tordus. Sur un album comme Load, ils travaillaient en clés majeures tout en conservant une espèce d’obscurité. Vous vous souvenez de ces vieux épisodes de Batman? Quand l’écran est divisé en 2 et que l’image est de travers? Je voulais un équivalent sonore. Des couleurs vives mais en même temps hantées. C’est ce que je ressens en écoutant Who Loves the sun.

Si on se limite aux chiffres de vente de 2010, le rock semble mort. Pourtant, vous continuez à vendre des camions de disques.

A. T.: Nous sommes l’un des rares groupes à guitares qui a encore la chance de passer sur les radios britanniques hors programmations nocturnes et émissions thématiques. Nous regrettons qu’il n’y en ait pas davantage. C’est avec le rock que nous avons grandi. Mais nous avons conscience d’être des privilégiés. Nous y avons pensé au moment d’envisager quel serait notre premier single. Et c’est pour ça que nous avons choisi l’un des morceaux les plus durs du disque Don’t Sit Down Cause I’ve Moved Your Chair. Il y a 5 ans maintenant que notre premier album est sorti. Certains ados, trop jeunes à l’époque, sont en train de faire leur éducation musicale. J’espère que notre disque leur permettra de découvrir d’autres groupes… Perso, nous n’étions pas vraiment dans les guitares avant les Strokes et toute cette vague. Ils ont ouvert les portes d’un nouveau monde. J’imagine que ça arrivera encore.

Votre nouvel album est définitivement plus pop. C’est le fait de vieillir? Les retombées de l’expérience Last Shadow Puppets? On le ressentait moins sur Humbug

A.T. : Tout ce que j’ai écrit après The Age of the Under- statement a été profondément marqué par son influence. Sur Humbug, c’était sans doute davantage en termes de paroles. De vocabulaire. Moins dans ce que le groupe jouait derrière. En même temps, au moment d’attaquer l’écriture de notre dernier disque, j’ai réécouté notre premier album. Je ne voulais pas réécrire de la même manière et de toute évidence sur le même genre de sujets mais je voulais me reconnecter avec son sens de l’humour. Ce nouvel album est une espèce de synthèse. De checkpoint.

Vous l’avez intitulé Suck it and see. Provoc?

A. T.: Non. C’est une vieille expression anglaise qui veut dire essayer quelque chose. Ce qu’on encourage les gens à faire. Nous avions des tas de titres différents et c’est le seul qui tenait encore debout à la fin du brainstorming. Il ne s’agit pas d’offenser qui que ce soit. C’est juste un nom amusant. Un double sens. Comme Les Sucettes de Gainsbourg quelque part.

C’était spécial pour vous d’enregistrer dans le studio où Nevermind a été mis en boîte?

A. T.: Pas vraiment. Nous n’avons pas couru après les anecdotes ou quoi que ce soit du genre. Nous étions heureux évidemment de bosser où Nirvana a donné naissance à ce disque incroyable. Mais autant Humbug était un voyage, une expérience avec Josh dans le désert, autant il s’agissait surtout cette fois de trouver le meilleur endroit où travailler.

Vous avez tendance à toujours bosser avec les mêmes gens. James Ford a produit l’album. Vous avez invité Josh Homme. Et quand Alex, vous composez la musique d’un film, Submarine, c’est celui du mec qui dirige vos clips. Vous ne faites apparemment pas confiance à grand monde…

A. T.: Effectivement. On est méfiants et on aime travailler en équipe. Il n’y a pas de meilleures personnes avec lesquelles collaborer que tes potes. Tu peux te comprendre sans même te parler. Je ne pense pas à des règles de fonctionnement mais à des lignes directrices. Un état d’esprit. On est ouvert à l’idée d’embaucher des mecs qu’on ne connaît pas mais on n’a pas croisé des tonnes de gens qui nous inspiraient confiance dans l’industrie.

Matt, pour la première fois vous chantez sur un disque des Monkeys. Vous tanniez Alex depuis des années et il a enfin accepté de céder sa place?

M. H.: C’est plutôt le contraire. Il voulait que je chante depuis des années et j’ai enfin accepté de le laisser se reposer. J’ai toujours assuré l’un ou l’autre ch£ur et j’aime plutôt bien chanter. Ce morceau, Brick by brick, est né pendant que nous étions en tournée et a finalement atterri sur le disque. Ça m’a mis en confiance. Je me vois bien enregistrer un disque solo dans un avenir plus ou moins proche.

Quelle relation entretenez-vous avec le star system? Comment tenez-vous à l’écart la presse people?

A. T.: On en revient d’une certaine manière au fait d’être attaché à un cercle d’amis. J’aime bien l’expression star system mais il ne nous intéresse pas. Nous n’avons aucunement envie de traîner avec la jet set. Puis quand tu fais des conneries avec tes potes, tu risques moins de te retrouver sur la photo de couverture des journaux et des magazines le lendemain. l

RENCONTRE JULIEN BROQUET, À PARIS

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