Monk’s Music

Il aurait eu 100 ans cette année. Longtemps ignoré, Thelonious Monk est considéré aujourd’hui comme le plus grand pianiste de l’Histoire du jazz.

Autodidacte précoce (il commence à l’âge de cinq ans), Monk, né en Caroline du Sud mais vivant à Harlem depuis sa petite enfance, est en 1942 le pianiste maison du Minton’s, un club devenu le laboratoire où « la bande des cinq » (Monk, Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Kenny Clarke et Charlie Christian) est en train d’inventer, sous le nom de be-bop, le jazz moderne. Si Monk est au centre d’une révolution qui va transformer une musique que l’on danse en une musique que l’on écoute, le style du pianiste dans sa radicalité (jeu sur les dissonances, discontinuités harmonique et rythmique, phrases répétitives) prend paradoxalement ses racines dans l’une des plus anciennes formes de piano-jazz, le stride. Ses compositions cultivent le même paradoxe: marquées du sceau de la modernité à travers des thèmes souvent asymétriques, elles sont toutes enracinées dans le blues. À ce titre, Monk est le premier des deux musiciens (l’autre est le saxophoniste Albert Ayler) à avoir couvert simultanément les pôles opposés de la musique afro-américaine en établissant un lien indéfectible entre tradition et avant-garde aussi génial que celui qui lie le jeu inouï du pianiste aux singularités du compositeur.

Paris jazz

La discographie de Monk est quasiment inexistante jusqu’au début des années 50, à l’exception de la parenthèse fondamentale des sessions Blue Note de 1947-48. Dans la première moitié de cette décennie, Monk n’est encore qu’un pianiste au futur indéterminé. Privé de sa carte professionnelle (pour possession de drogue), sans laquelle il ne peut se produire en club, son avenir semble bouché malgré le contrat qui le lie, depuis 1952, au label Prestige. Toutefois, un destin enfin bienveillant va soudainement se manifester sous la forme d’une improbable invitation faite au musicien par le Salon International du Jazz de Paris 1954. Non seulement il y est accueilli avec enthousiasme par les musiciens français (ce qui n’est pas tout à fait le cas d’une critique dubitative et d’un public interloqué), mais on lui offre en plus la possibilité d’enregistrer un premier disque en solo. Pendant les douze années qui vont suivre, Monk ne cessera de tourner aux États-Unis, en Europe et au Japon alors qu’il n’avait, avant Paris, jamais quitté New York, tout en enregistrant pour Riverside et, dans une moindre mesure, Columbia, les plus grands albums de sa discographie. Il connaît, en 1964, une dernière consécration, lorsqu’il devient le quatrième des cinq jazzmen à avoir figuré, à ce jour, sur les fameuses couvertures du Times.

Monk's Music

Lors de la session parisienne, Monk va réenregistrer quelques-unes de ses compositions les plus emblématiques comme ‘Round Midnight, Reflections (en fait Evidence), Well, You Needn’t, Eronel, Off Minor, Portrait of an Ermite (Reflections), complétées par le standard Smoke Gets In Your Eyes pour ce qui constitue, avec Thelonious Alone In San Francisco (1959), le sommet de sa carrière solitaire. Si le LP a été réédité à l’identique, erreur de typo (TheOlonious) comprise et à l’exception de l’ajout d’Hackensack, le CD reprend pour sa part le même matériel augmenté de quatre inédits en trio provenant du concert de la salle Pleyel.

Thelonious Monk

« The Centennial Edition »

Swing Vogue 33.342 – disponible en LP & CD (Sony).

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