LE PARI ÉTAIT AUDACIEUX. AVEC LEUR « OPÉRA POP » À LA SAUCE ROCK INDIE, LES LIÉGEOIS DE MY LITTLE CHEAP DICTAPHONE ONT MARQUÉ 2010. BILAN D’UNE ANNÉE TRIOMPHALE. AVANT D’ATTAQUER L’ÉTRANGER…

Parfois, l’ambition, ça paie. En mars dernier, My Little Cheap Dictaphone sortait The Tragic Tale of a Genius. Le disque n’est pas qu’une simple collection de morceaux enchaînés les uns après les autres. Enlevé, épique même, The Tragic Tale raconte l’histoire d’un musicien dont l’art et le génie le rapprochent de la folie. Un opéra rock? A la sauce indie alors, avec du souffle et de l’élan, entre grandes orchestrations et miniatures cabaret, tout en évitant le côté pompeux et ringard que charrie généralement le terme. Cerise sur le gâteau, MLCD a su entraîner dans son projet quelques invités prestigieux, comme Jonathan Donahue, leader du groupe culte Mercury Rev. La démarche est audacieuse, le disque culotté, le tout réalisé sans pouvoir s’appuyer sur un gros label (le groupe est son propre producteur). Un sacré défi. The Tragic Tale tranche en tout cas dans une scène belge, francophone en particulier, où l’on s’est souvent contenté de faire bien pour ne pas tenter de faire mieux -par manque de moyens ou d’ambition, c’est encore une autre question.

Hospitalière Albion

Encore fallait-il que MLCD arrive à convaincre. Or, rapidement, la critique a embrayé, une radio comme Pure FM jouant le jeu en tournant le single Shine On. Le public aussi a mordu. On a pu le constater lors du concert que Focus a organisé en avril au K-Nal. Juste avant les Nuits Botanique où MLCD a pu jouer pour la première fois le spectacle dans sa configuration rêvée: avec vidéos et grand orchestre. Quelques semaines plus tard, ils rafleront 2 Octaves de la musique (artiste belge et album de l’année). Dans la foulée, les festivals d’été s’enchaîneront, avec un passage notamment à Pop Montréal, premier signal positif pour une possible exportation du projet. « Cela reste quand même un des buts fixés au départ », insiste Redboy, alias Michaël Larivière, leader de MLCD.

On le retrouve pour faire un petit bilan de fin d’année, en compagnie de Xavier Guinotte (basse) et Pierre Louis Lebacq (claviers). A la veille de prendre la route pour les fameuses Transmusicales de Rennes, ils viennent d’apprendre une autre bonne nouvelle: leur site MySpace vient de passer le cap du million de vues. Xavier: « L’idée était de faire un disque qui nous permette éventuellement de quitter les frontières belges. On avait déjà eu l’occasion de jouer à l’étranger auparavant. Mais on avait envie d’aller un peu plus loin, d’enfoncer davantage de portes. » Redboy: « On a voulu soigner le résultat, aller aussi loin que possible à chaque étape: arrangement, mixage, visuel… Les paroles, par exemple, je les ai terminées à Oslo, avec une auteur norvégienne qui a l’habitude d’écrire des livres en anglais. Après, j’ai encore bossé avec une autre copine américaine pour améliorer l’accent… J’ai eu 30 ans, c’était un peu le moment ou jamais. »

C’est plutôt bien parti en l’occurrence. Au Canada, par exemple, où l’une des programmatrices de Pop Montréal a flashé sur le groupe, au point de devenir leur manager locale, et de préparer une sortie début 2011, accompagnée d’une nouvelle série de dates sur place. « Traverser l’Atlantique, cela reste toujours un rêve. » Le groupe a également signé une distribution en France et en Suisse. Mais la plus grande surprise est encore arrivée d’Angleterre, terre généralement peu hospitalière pour les projets issus du Continent. The Tragic Tale n’y sortira qu’au mois de janvier en physique. Sa version digitale est néanmoins déjà disponible depuis le mois de novembre. De quoi susciter quelques premières reviews enthousiastes. Comme un 4 étoiles dans le prestigieux mensuel musical Q ou le titre de « Disque de la semaine » dans le Sunday Times. Pas mal…

Du nord au sud

L’autre fait étonnant avec MLCD est peut-être d’avoir réussi à sortir un véritable album, à une époque où le format de prédilection est redevenu le single. « On croit encore au format long en effet. Parce que c’est aussi comme cela qu’on continue à écouter la musique la plupart du temps: en laissant le disque défiler dans son entièreté, plutôt qu’en picorant des titres au hasard. » Au passage, MLCD a également soigné la version vinyle de Tragic Tale. « On en vend plein aux concerts, parfois autant que de CD. Les gens qui restent fans de l’objet musical vont avoir tendance à mettre leur argent dans un vinyle plutôt que dans le CD. Les autres n’achètent plus de toute façon, et téléchargent le mp3. »

MLCD n’est pas la seule formation belge à avoir trouvé un écho à l’étranger. Par contre, il est l’un des seuls groupes rock présents dans cette catégorie. C’est une tradition: depuis la nuit des temps, ou du moins l’invention du sequenceur, c’est avec la musique électronique que la Belgique s’est toujours le mieux exportée. En témoignent cette année les disques d’Aeroplane, Netsky… « C’est clair qu’on ne fait pas partie de cette culture musicale-là, ce n’est pas trop ce qu’on écoute à la maison. » N’empêche, le raz-de-marée de quelqu’un comme Stromae? « Pareil, ce n’est pas vraiment notre monde. Mais tant mieux pour lui. Je trouve ça sympa en fait. Je préfère qu’un mec comme lui cartonne plutôt qu’un truc hypercommercial de merde. Au moins il y a encore du fond derrière. C’est marrant parce que Damien, qui joue avec nous dans le quatuor de cordes, a bossé un peu avec lui pour son spectacle. On a essayé de lui filer un coup de main. »

Stromae n’a pas réussi seulement à l’étranger. Il a aussi séduit… la Flandre. Un peu à l’instar des Partyharders, collègues liégeois, qui le temps d’un hit électro-rigolard ( Pope of Dope, avec les Gantois de The Subs) ont réussi à squatter les ondes radio du nord du pays. De son côté, Pias, la maison de disques belge de MLCD, a cru aussi pouvoir séduire le public flamand, vu le côté international du projet. Peine perdue…  » Cela reste un pays à conquérir. On continue d’y aller, c’est pas faute d’essayer. Mais notre label nous explique qu’il n’y arrive avec aucun groupe. Cela dit, cela commence à être la même chose pour les groupes flamands en Wallonie. Quand j’avais 15,16 ans, j’écoutais plein de groupes anversois. Aujourd’hui ils n’arrivent même plus à passer à la radio. Il y a des formations qui passent à Werchter, et qui une semaine plus tard jouent devant 50 personnes à Liège. Des mecs comme Balthazar, les Van Jets -avec qui on a fait un duo pour le concert Belgavox-, on sait à peine qui c’est de ce côté-ci de la frontière linguistique. » Une autre sorte de Tragic Tale

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