Mission impossible

Dans Le Jeune Ahmed, les frères Dardenne suivent un jeune musulman radicalisé dans sa confrontation avec le monde. Un film frontal et urgent.

Venant après La Fille inconnue dans leur filmographie, Le Jeune Ahmed tient du retour aux fondamentaux pour les frères Dardenne, qui y renouent avec une forme épurée n’étant pas sans évoquer celle de L’Enfant, couplée à une énergie voisine de celle de Rosetta. Au coeur du propos, Ahmed (Idir Ben Addi, formidable), gamin de treize ans pas encore vraiment dégrossi, dont l’entourage, sa famille comme sa prof à l’école des devoirs, n’a pu que constater le changement récent de comportement. L’ado est tombé sous la coupe d’un imam fondamentaliste (Othmane Moumen) au contact duquel il s’est radicalisé, tout acquis désormais à sa quête de pureté; endoctriné au point de vouloir bientôt attenter à la vie de l’enseignante (Myriem Akheddiou), désignée comme apostat, geste qui lui vaut d’être placé dans un centre. Mais si éducateurs et proches tentent de le soustraire à son obsession radicale, tous doivent faire aveu d’impuissance, se heurtant à une même détermination inébranlable.

S’il s’inscrit dans la continuité esthétique de l’oeuvre, tant par sa sécheresse que par la volonté de coller au plus près d’un personnage, Le Jeune Ahmed s’en écarte toutefois par son approche frontale d’un sujet de société brûlant. Dans l’interview-fleuve avec le critique français Yves Alion proposée en bonus DVD, les frères expliquent avoir entrepris ce projet à la suite des attentats ayant frappé la Belgique et la France. Et avoir voulu traiter, non pas du phénomène de la radicalisation, déjà évoqué par d’autres (mais, relève Jean-Pierre, « à mon sens, il n’y en a aucun qui prend la religion au sérieux, et c’est pour cela qu’on a fait ce film »), mais bien de la possibilité éventuelle d’en sortir.

Mission impossible

Le film apparaît, à cet égard, comme le plus pessimiste de ses auteurs, constat ne l’empêchant pas pour autant de vibrer d’une intensité et d’une humanité profondes. Une question d’empathie, notamment, et celle des cinéastes à l’égard d’Ahmed est aussi manifeste que communicative, un sentiment que contribue à renforcer le côté encore gauche de ce dernier, enfant/ado s’inscrivant dans une lignée courant de La Promesse au Gamin au vélo. S’y ajoute cette possibilité de rachat que les Dardenne ont veillé à toujours ménager à leurs personnages -cette « bifurcation » qui vient les détourner de leur obsession, suivant le terme employé par Luc Dardenne dans ce même entretien-, qualité qui constituerait en quelque sorte le ciment de leur cinéma, en plus d’en faire le prix. Une disposition n’étant nullement synonyme d’angélisme pour autant, et Le Jeune Ahmed réussit à conjuguer lucidité du propos et urgence, combinaison n’ayant pas laissé insensible le jury du dernier Festival de Cannes, qui l’a récompensé du Prix de la mise en scène.

Le Jeune Ahmed

De Jean-Pierre et Luc Dardenne. Avec Idir Ben Addi, Myriem Akheddiou, Othmane Moumen. 1 h 21. Dist: Cinéart.

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