Miss catastrophe

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Cinq ans après son dernier album, la Canadienne grimes se transforme en déesse virtuelle de l’apocalypse climatique. Welcome to the terrordome

Pour écouter la musique de Grimes, il faut d’abord commencer par évacuer, autant que possible, tout le bruit autour. Une tâche compliquée, voire contre-nature quand on veut parler de pop music, a fortiori dans l’époque actuelle. La Canadienne Claire Boucher (Vancouver, 1988) fait en effet partie de ces artistes -kikou Kanye West!- dont la personnalité et les sorties médiatiques ont tendance à encombrer tout le reste. Depuis ses débuts, la jeune femme s’est ainsi volontiers présentée en artiste mi-freak mi-farce, à l’image d’une musique en effet bien barrée, mais au point parfois de lui porter ombrage. La compagne du magnat Elon Musk a notamment le post Instagram facétieux, voire carrément trollesque. Que ce soit pour dévoiler la genèse d’un nouveau morceau, We Appreciate Power, « écrit depuis la perspective d’un groupe de propagande féminin pro-IA, qui utilise la chanson, la danse, le sexe et la mode pour répandre la bonne entente avec l’Intelligence Artificielle »; évoquer les bains de lubrifiants dans lesquels elle peut passer jusqu’à quatre heures; parler de ses opérations de la rétine censées lui éviter la dépression saisonnière, etc.

Cinq ans après son dernier album, Art Angels, le communiqué annonçant son successeur poursuit dans la même veine, aussi drôle que possiblement fatigant. Pour Miss Anthropocene, Grimes a en effet décidé d’embrasser le thème du dérèglement climatique, pour en faire un personnage en soi -celui du titre. Il s’agit ici de mettre en scène une déesse du dérèglement, une sorte de divinité mythologique qui rendrait le « changement climatique fun », loin de toute « abstraction apocalyptique ». En route donc pour le « plus grand show de l’univers », promet Grimes. Vous voilà prévenus!

Miss catastrophe

Esprit plastique

Blague à part, Miss Anthropocene se présente comme beaucoup plus sombre et plombé que son prédécesseur. Avec plus ou moins de réussite. En ouverture, par exemple, So Heavy I Fell Through the Earth se traîne poussivement. Si Grimes a toujours joué avec les influences les plus « décalées » -de la musique médiévale à la K-pop-, sa dark pop fantomatique ressemble ici à une rêverie délavée, pas beaucoup plus excitante qu’une cornichonnerie new age à la Era. Ce n’est pas la seule fois que Grimes se prend les pieds dans le tapis de ses poses arty-plastiques. Elle se montre en fait surtout convaincante quand elle ouvre son jeu -sur le single Violence par exemple, l’un des plus efficaces du lot ou le morceau 4ÆM, qui flirte avec des sonorités Bollywood. Recouvert d’une large couche synthétique (seul Delete Forever détonne, se permettant même un banjo et un melodica), Miss Anthropocene fait alors mouche. Il reste un objet pop trop chargé que pour ne pas éreinter, trop poseur que pour ne pas tout à fait agacer. Mais, même en donnant des signes d’essoufflement, et en commençant à retomber un peu trop sur ses mêmes marottes soniques, Grimes demeure l’une des artistes les plus audacieuses (et comiques) du moment.

Grimes

« Miss Anthropocene »

Distribué par 4AD.

6

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