Tetris s’en va-t-en guerre – Might & Magic: Clash of Heroes redéfinit les codes graphiques de sa saga tout en réinventant les règles des jeux de stratégie. Une nouvelle race est née.

Édité par Ubisoft et développé par Capybara Games, âge 7+, disponible sur Nintendo DS.

Frileux à redéfinir les codes éprouvés des RPG (jeux de rôle), les éditeurs préfèrent souvent les grosses ficelles aux exercices funambulesques. Une absence de prise de risques qui a récemment poussé Tri-Ace et son End Of Eternity à quitter l’escarcelle de Square Enix pour rejoindre Sega, moins conservateur et plus ouvert aux idées acrobates. En changeant radicalement la plastique de la saga Might & Magicvia l’épisode Clash of Heroes et en la calant dans un gameplay expérimental rare, Ubisoft tente lui aussi l’exercice du RPG singulier, même si ce revirement se limite à la DS en évitant les consoles de salon. Un retournement qui n’est pas le premier pour Might & Magic, licence qui en a vu d’autres en un quart de siècle(1).

Ubisoft ne s’est pas trompé en confiant le développement de Clash of Heroes à Capy Games. Spécialisé dans les jeux vidéo pour téléphones portables, ce petit studio indépendant canadien remportait en 2007 l’ iPhone IGN Wireless Best Puzzle Game et l’ IGF Mobile Best Game un an plus tard pour Critter Crunch, un puzzle game aussi coloré qu’addictif. L’influence de ce titre sur Might & Magic: Clash of Heroes est évidente. Mais cette équipe plantée dans la banlieue de Toronto ne se limite pas à des jeux grand public et pop-corn. Nominée à l’Indépendant Game Festival cette année elle louvoiera désormais dans la cour de l’ art gaming avec son Sword & Sworcery. Une production dont les graphismes ont été assurés par Superbrothers, des adeptes d’un pixel art doué et singulier qui ont allumé le buzz sur la toile geek avec trois courts métrages animés, mis en musique avec la pop rêveuse de Jim Gutrie.

Abonné à l’ultra réalisme, à l’image du dernier Dark Messiah of Might & Magic: Elements sur Xbox 360, l’univers médiéval fantastique de la saga d’Ubisoft retourne donc sa veste. Et mise désormais sur des graphismes manga 2D en mode Super Deformed. Un choc remettant sous les projecteurs les grandes heures de la Super Nintendo et de ses RPG façon Secret Of Mana. Ce parti pris se double en outre d’un croisement inattendu entre tactic RPG et puzzle game. Un mélange de gameplay rare que seule une poignée de titres comme Puzzle Quest et Galactrix ont exploré jusqu’ici.

Bâtard sensible

Derrière les manettes, ce fricotage entre Advance Wars et Tetris se solde par une DS affichant en haut les unités ennemies et en bas l’armée du joueur. Se pratiquant au tour par tour avec un nombre d’actions limité, Clash of Heroes demande d’assembler 3 unités identiques, le joueur dessinant lors des « chaînes » offensives ou défensives à partir d’un damier aux combattants épars. Le tout sur fond de variantes combinatoires vertigineuses et d’unités aux pouvoirs variés, ravivant sans cesse le gameplay. Chacun des 5 types d’armées déroule ainsi des unités classiques utilisables à l’infini et un nombre restreint de troupes de « légende » et d' »élites » aux pouvoirs dévastateurs. De l’arbre qui pompe l’énergie de l’ennemi pour la redistribuer à son camp au dragon cracheur d’acide persistant, chaque unité de choc a été pensée avec brio.

Se jouant au choix avec les touches ou au stylet, Might & Magic: Clash of Heroes a en outre la bonne idée d’ajouter aux joutes classiques contre des armées, des objectifs de missions à géométrie variable entre cibles précises à éliminer sur le damier et boss de fin de niveau au comportement à décrypter. Parfaitement équilibré dans son dosage puzzle game/tactic RPG, Clash of Heroes se montre terriblement attachant et prenant d’autant qu’il déploie un mode deux joueurs parfait, malheureusement amputé de toute dimension online. Une absence inexplicable.

(1) La saga de jeux de rôle vidéoludiques Might & Magic remonte aux prémisses de l’informatique personnelle puisque le premier Might & Magic sous titré Book One: Secret of the Inner Sanctum était sorti sur Apple II en 1986.

Michi-Hiro Tamaï

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