Mictlàn

Dans un pays qui n’a pas de nom -mais qui ressemble furieusement au Mexique-, deux hommes de main au passé sombre conduisent un camion frigorifique à travers le désert sans autre arrêt que le plein. Ce sont les ordres -rester en mouvement- que Vieux et Gros tentent de respecter pour ne pas rejoindre le Mictlàn, lieu légendaire des morts ou les défunts accèdent enfin à l’oubli. Mais Vieux et Gros -on ne les connaîtra pas sous d’autres noms- peuvent-ils vraiment y échapper, avec une telle cargaison -157 cadavres? Poser la question, c’est y répondre, mais ce n’est pas une raison pour ne pas se jeter sur ce petit roman aussi rapide qu’inhabituel. Et bien que né du choc d’un fait divers réel -en septembre 2018, un tel camion fut retrouvé sur un terrain vague de Guadalajara, rempli de 157 cadavres tous morts de mort violente et que le gouverneur local ne savait plus, littéralement, où mettre- Sébastien Rutés en tire un huis clos forcément extrêmement sombre, basé sur les dialogues, intérieurs et extérieurs, de ses deux seuls protagonistes, mais aussi sur un texte profondément littéraire, louvoyant entre un réalisme magique typiquement sud-américain et un exercice de style très français -dans sa première partie, il faut chercher pour trouver quelques points dans la ponctuation. Bref, une oeuvre aussi forte qu’atypique, et très représentative de la récente relance de La Noire chez Gallimard, laquelle n’entend publier « que » cinq à six romans noirs par an, francophones et étrangers, neufs ou réédités, mais tous exigeants et porteurs d’une écriture particulière. Soit la parfaite définition de ce Mictlàn pas comme les autres.

De Sébastien Rutés, éditions Gallimard/La Noire, 160 pages.

8

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content