LE 26/10, HUMPTY DUMPTY FÊTERA SON 5E ANNIVERSAIRE AU BOTA AVEC CLARE LOUISE, HALF ASLEEP, K-BRANDING ET AMUTE… L’OCCASION D’ÉVOQUER L’EXISTENCE FRAGILE DES MICRO LABELS DU CRU.

Cinq ans. Cinq ans déjà que Christophe Hars, gros nounours à l’ouïe fine, sort dans l’artisanat des trésors cachés découverts au fil de ses pérégrinations et de ses rencontres de mélomane curieux. Cinq ans déjà qu’il a créé Humpty Dumpty Records. L’éclectique tanière de Mièle, Carl, V.O., Lionel Solveigh, Tangtype, K-Branding…

Alors que nombre de micro labels ont à peine quelques disques d’espérance de vie, Humpty Dumpty soufflera ses 5 bougies le 26 octobre au Botanique avec en guise de cerises sur le gâteau 6 albums tout beaux tout neufs. Le point commun entre le folk ancestral de Clare Louise, les chansons françaises ciselées du Yéti, le psychédélisme instrumental de South of no north, les expérimentations électroniques paysagistes d’aMute, les sculptures bruitistes de Zoft et les comptines de Tazio & Boy? Tous ont tapé dans l’£il, le c£ur et l’oreille de Nooni (son petit nom).

 » Je galérais pour trouver du boulot en sortant de l’IHECS, se souvient le jeune trentenaire. Je bossais au Bonheur, l’épicerie audiovisuelle. Et je me suis mis à organiser des concerts, les soirées Dictapop, afin d’offrir un peu de visibilité à des artistes, Josephine Foster, Herman Dune, Berg Sans Nipple, qui ne trouvaient pas facilement leur place dans des lieux conventionnels.  »

A cette occasion, Christophe se rapproche de Mièle. Le groupe vient de terminer l’enregistrement de son premier album et cherche un label. Banco. Pour le soutenir, il crée sa propre structure. Ce sera Humpty Dumpty. Comme ce fameux personnage de comptine anglaise en forme d’£uf qui a inspiré Lewis Carroll.  » J’ai sorti environ 3000 euros de ma poche pour le mastering, le pressage, les droits d’auteur, la pochette. Nous en avons vendu 1000 exemplaires en Belgique. Et 300 ou 400 en France. Au bout du compte, je n’avais pas gagné un rond mais j’avais lancé un groupe.  »

Cinq ans et une vingtaine d’albums plus tard, rien n’a vraiment changé. Le bonhomme continue de défendre et développer des artistes qui lui parlent. Par amour de la musique définitivement plus que du fric.  » Je fais encore et toujours du bénévolat et c’est le cas de pratiquement tous les micro labels chez nous.  »

Le peu qu’il gagne, Christophe le réinjecte. Les aides publiques (5000 euros par an) et les économies de ses artistes font le reste.  » Le disque électro qu’un mec bidouille chez lui coûte 2000 euros mais avec le prochain V.O., enregistré et mixé par John McEntire de Tortoise à Chicago, on va avoisiner les 20 000. On peut se le permettre parce qu’on est bien soutenus par la Communauté française et que les musiciens mettent la main au portefeuille.  »

Sur un an, Humpty Dumpty lui prend grosso modo l’équivalent d’un mi-temps. D’un côté, il y a l’encadrement.  » Certains artistes ont des visions très claires. D’autres ont besoin d’être aiguillés.  » Le travail sur l’artwork.  » J’ai toujours soigné le packaging. J’aime les beaux disques. Les trucs en plastoc ne m’excitent pas. » De l’autre, il y a la paperasserie, le suivi du stock.

 » Depuis que j’ai bossé avec Françoiz Breut, je suis distribué par Bang et donc maintenant par Pias dans le Benelux. Mais ailleurs, excepté au Japon et en Allemagne, je passe mon temps à courir derrière le pognon. Tu prends un risque dès que tu mets un disque en distribution. »

On touche là au n£ud du problème. Par essence riquiqui, le micro label est vite menacé de mort. Même quand ses responsables gèrent leur petite entreprise en bons pères de famille. Fabrice Delmeire et son acolyte Sébastien Carbonnelle, qui n’avaient pas les yeux plus grands que les oreilles, en ont fait la dure expérience avec Top 5 Records (John Cunningham, Major Deluxe…).

 » Il y a dans le système une lourdeur incroyable qui va à l’encontre de l’enthousiasme évidemment frappé d’amateurisme qui était le nôtre, remarque le premier. Avec Top 5, on a jeté l’éponge quand le distributeur de Superflu, artiste sur lequel on avait investi le plus d’argent, a été mis en liquidation. Imaginez. Vous repressez l’album parce qu’il marche bien, l’envoyez en France et recevez le coup de fil d’un contrôleur judiciaire qui vous dit qu’il partagera entre les créanciers s’il retrouve quelques sous dans les caisses. » Top 5 n’a jamais vu la couleur de ses 15 000 euros. Montant qui aurait pu lui permettre la production de 2 nouveaux albums. Sa cadence annuelle.

Nouveaux modèles

 » Je pense qu’il est encore plus dur aujourd’hui qu’hier de faire vivre un micro label, poursuit Fabrice Delmeire. Sans garanties solides, et elles n’existent pas, les distributeurs font la moue. Les contacts à l’étranger se raréfient et ils prennent de moins en moins de références. De nouveaux modèles économiques viables vont peut-être voir le jour mais d’ici là, c’est compliqué.  »

Stilll et Carte Postale ont plus ou moins récemment et discrètement glissé la clé sous le paillasson et Matamore a mis fin à ses activités cette année après 9 ans d’existence. La situation précaire, la crise de l’industrie et l’offre pléthorique de musique ne sont pas encore pour autant venues à bout des enthousiasmes. Cheap Satanism Records fête ses 2 ans au Magasin 4 ce 21 octobre. WEME réédite toujours les albums de François de Roubaix. Et Spank me more continue d’avancer dans les marges… Ils sont cependant amenés à se réinventer.

 » Certains musiciens rêvent juste que leur album sorte. D’autres sont professionnels et veulent en vivre. Je gère les artistes au cas par cas, avoue Christophe Hars. Des tas de formules sont envisageables. Tout en sachant que le meilleur magasin de disques aujourd’hui, c’est le concert. Le disque est cool, fait office de passage obligé mais il ne rapporte rien. Je n’ai pas le choix. Je vais devoir toucher aux droits d’auteur (édition). Ce qui signifie toucher au revenu intime de l’auteur compositeur. J’ai presque l’impression que je vais violer les artistes mais c’est devenu indispensable.  »

Le dernier (le seul?) vrai succès d’un micro label, c’est peut-être bien Isbells sur Zealrecords. Dix-mille albums vendus en Belgique. Des sorties en Autriche, en Allemagne, en Australie, au Japon et bientôt aux Etats-Unis.  » Je ne me paie pas. Zeal est un hobby, explique son boss Geert Mets. Je vais réinjecter tout l’argent gagné avec Isbells dans nos prochaines sorties. Certains ont eu le culot de murmurer que je devenais une major parce que je faisais tout moi-même. En ce compris trouver des dates de concerts. Ça venait de mecs qui ont refusé pendant 10 ans de faire tourner mes groupes confidentiels…  »

TEXTE JULIEN BROQUET

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