Nurten Aka
Nurten Aka Journaliste scènes

MICHÈLE BRACONNIER DIRIGE LE « THÉÂTRE » DE L’L À LA SUEUR DE SA PASSION ET DE SES EXIGENCES. PARI RÉUSSI: SON FESTIVAL VRAK LIBÈRE LA CRÉATION ET LES ESPRITS.

Elle a la franchise naturelle et vous parle cash. On la retrouve sceptique, Focus en main, page « People ». Elle dit:  » People? Ma personne n’a pas d’intérêt, ce qui importe c’est le projet que je porte. Les biographies, ça ne m’intéresse pas. Par contre, une des artistes résidentes, Pamina de Coulon, présentera au Vrak un chantier où elle s’est passionnée pour la biographie de… Sarah Palin! » Démerdez-vous avec ça. Un bureau confortable, une théière, 3 heures d’interview d’un long fleuve passionné. On sourit de la voir à 54 ans toujours à contre-courant du système. Et ça marche. Sur scène, elle casse l’obligation du spectacle fini, « clefs sur porte ». Depuis 2008, le Théâtre de L’L est devenu exclusivement  » un lieu de recherche et d’accompagnement pour la jeune création » et offre des résidences d’artistes « de la scène ».  » Je butais sur le fait que les artistes doivent être tout le temps sur la pointe de l’iceberg et produire un spectacle pour être vus. La pression peut leur couper les ailes s’ils ont besoin de temps pour trouver leur langage. Quand ils sont dans la recherche, sans pressions, les propositions deviennent singulières et souvent géniales. Le Vrak, biennal, est un moment de visibilité. »

Un Vrak de liberté

Michèle Braconnier aime  » défaire » et proposer  » des objets scéniques en évolution, qui ne deviendront peut-être jamais des pièces à part entière« . Dans cette 3e édition, elle accentue la tendance:  » On va entrer dans l’intimité des artistes, avec une phase de mise à nu explicite, de fragilité et de recherche affichées: un moment privilégié. » Ainsi, le danseur Emmanuel Eggermont a entamé une recherche plastique sur les préludes. Dans son Vorspiel, il explore 2 formes, un immense hall et un espace étroit où le spectateur ne pourra le voir que « par le haut ». Antoine Laubin décompose le Roi Lear sur un plateau nu. Natasha Nicora et Maxime Bodson exposent Übernatürliche Pizza, une satire entre la danse contemporaine et la pizza. Antoine Defoort interroge Le Mépris de Godard en 3 minutes, 3 voix et 20 cartons.  » Je demande à chaque artiste de se lâcher, creuser, pour trouver sa forme et son propos. Se questionner. »

Michèle Braconnier est intarissable sur son métier. Question bio, on fera court. Formation en communication sociale à l’UCL mais « vocation » issue d’un job étudiant (puis un engagement) au Théâtre Jean Vilar, à l’époque fabuleuse où Armand Delcampe invitait Mnouchkine, Kantor et Krejca. Un excellent écolage. Mais difficile d’exister comme « nouveau jeune » dans l’effervescence des années 80 d’où émergent les Plan K, Varia, Balsa, Atelier Ste Anne, tous institutionnalisés. Alors?  » J’ouvre L’L en 1990, un lieu de répétitions sans le sou avec un prêt équivalent à 250 000 euros et mes parents qui hypothèquent leur maison. » En 1998, premier contrat- programme, premiers salaires fixes. Toujours dans le soutien à la jeune création, souvent au bord de la fermeture, cette mère courage n’a qu’une passion: son travail. Son Vrak n’en est que la partie visible. Chiante, elle ne peut plaire à tout le monde. Mais son pari semble réussi, d’être au plus près de la création, loin de la production, à l’endroit où l’artiste peut enfin se libérer… et le spectateur avec lui. Une perspective bienvenue.

VRAK, DU 09 AU 11/02

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