Michael Imperioli

On a beau faire semblant de rien, le personnage de Christopher Moltisanti lui colle à la peau. © Patrick Swirc / modds

Le comédien et scénariste italo-américain, inénarrable Christopher Moltisanti dans The Sopranos, signe avec Wild Side un premier roman initiatique et électrique où il convie Lou Reed dans le New York crasseux des seventies.

Lorsque Michael Imperioli déboule dans le lobby de cet hôtel discret de Saint-Germain-des-Prés, le regard se dirige machinalement vers sa main droite. Presque par réflexe. Dans l’idée, sans doute, de chercher un calibre que l’interprète du fidèle lieutenant de Tony Soprano pendant 86 épisodes maniait comme un chef. Notre homme (52 printemps depuis le 26 mars dernier) n’est pas non plus accompagné par l’affolante Drea de Matteo (Adriana, son épouse, dans la cultissime série HBO de David Chase) et ses pupilles ne font pas état d’un abus de stimulant nasal d’origine colombienne.

La poignée de main est franche, à l’image de ses yeux malicieux et pénétrants. Lorsqu’il apprend que l’auteur de ces lignes a pris le Thalys, le scénariste du Summer of Sam de Spike Lee se remémore un séjour à Bruxelles et une visite chez un chocolatier dont il a oublié le nom. « Je me souviens surtout des employés de la boutique qui servaient avec des gants blancs, se rappelle-t-il. J’avais l’impression d’être dans une bijouterie, c’était fabuleux. » Mais si le fils de Dan, chauffeur de bus dans le South Bronx, et de Claire, qui donnait un coup de main à l’école du quartier, a traversé l’Atlantique, c’est surtout pour évoquer Wild Side, attachant premier roman ( lire la critique page 45). Comme si le Candide de Voltaire se retrouvait catapulté en 1976 à Manhattan à « une période sale mais créativement excitante ».

« J’ai commencé à écrire le personnage de Matthew en pensant à un de mes fils adolescent, poursuit Imperioli. C’est un âge charnière et ingrat. Le manque de confiance, d’estime de soi, une vulnérabilité touchante… J’étais en train d’écrire lorsque Lou Reed est mort (le 27 octobre 2013, NDLR). Je le connaissais un peu, j’étais fan absolu et j’ai eu envie de lui donner vie et de l’intégrer dans l’histoire. » À l’arrivée, Wild Side est autant un roman sur l’adolescence et les expériences qui vont avec qu’une lettre d’amour à Lou Reed.  » C’est une combinaison des deux. Reste que Lou pouvait être une tête de lard mais il demeure un artiste et un poète d’exception, une source inépuisable d’inspiration qui n’a jamais été portée par le vent de la nostalgie. Rappelez-vous la sortie de Metal Machine Music en 1975. Çareste quand même le plus gros fuck you à la face de l’industrie musicale », ajoute Michael en se gondolant d’admiration.

L’affranchi

Imperioli avoue sans rougir son absence de culture rock. « Je connaissais les Beatles. Et Lou Reed, je n’en avais jamais entendu parler jusqu’à ce que je croise une fille au lycée qui portait un t-shirt à son effigie et que je lui demande qui était le mec dessus… » Le futur comédien et scénariste revendique une enfance tranquille partagée entre l’école, les copains, le football et des fêtes de famille au sein de la communauté italo-américaine dans l’État de New York, à quelques stations de métro du Bronx. Son père écoutait le doo-wop de Dion and the Belmonts et emmenait la famille -Michael a un frère cadet- au cinéma et au théâtre. Notre interlocuteur se souvient avoir vu Apocalypse Now à l’âge de douze ans. « Je n’étais pas sûr de ce que je voyais à l’écran. C’était à proprement parler hallucinant », sourit le jeune quinquagénaire. Big Apple l’aimante et, après le lycée, Michael atterrit dans une école d’art. C’est là qu’il découvre les pièces de Shakespeare et les écrits d’Arthur Miller et Tennessee Williams. Enchaînant les petits boulots (livreur, serveur, barman….), Michael passe quelques castings. Pas de prestations notables jusqu’à une audition pour Martin Scorsese. Le reste appartient à l’Histoire. Spider, son personnage dans Goodfellas (1990) se fait exploser le pied par le mafieux campé par Joe Pesci. C’est aussi lors du tournage qu’il rencontre Lorraine Bracco, Tony Sirico et Vincente Pastore, respectivement la psychiatre Jennifer Melfi, Paulie et Big Pussy de The Sopranos.

On a beau faire semblant de rien, et Michael ne s’en formalise pas, mais Christopher Moltisanti lui colle à la peau. Un « Chrissie Boy » qui se voyait scénariste à Hollywood. Est-ce d’ailleurs un hasard si le comédien a écrit cinq épisodes de ce qui reste quand même l’une des plus formidables séries de l’Histoire de la télé du début du XXIe siècle? « Dans le premier épisode, Tony me flanque une claque parce que je rêve d’en faire mon métier. Ensuite, avec David Chase, qui savait que j’adorais écrire, on a développé ce côté-là du personnage et c’est naturellement que j’ai écrit quelques épisodes du show. Mais ça ne me dérange pas d’en parler. Jamais en six ans je n’ai eu l’impression d’aller travailler. Je partais le matin retrouver mes potes et je savais que la journée allait être bonne. »

En une heure qui tiendra plus de la conversation informelle que de l’entretien traditionnel, Michael Imperioli évoquera aussi le Studio Dante, théâtre de 75 places créé à New York par sa femme Victoria Chlebowski, designer d’intérieur, qui sombra financièrement lors de crise de 2008. Idem pour l’Amérique de Trump, sa zenitude acquise grâce au bouddhisme, son soutien financier à des programmes scolaires au Tibet, son envie de décliner Wild Side sur le grand écran. Et de terminer par sa « bonne raison d’espérer »: « Lors du traditionnel bal de fin d’année à l’école publique d’un de mes gamins, une transgenre a été élue reine de la soirée. »

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