Métaphysique de la viande

« Tout ça avait l’aspect idiot et effrayant d’un cauchemar, indique le narrateur omniscient de Paranoïa, second des deux textes de Christophe Siébert réédités aujourd’hui sous bannière moins confidentielle qu’autrefois, (…) ce cauchemar paranoïaque que le monde se révélait être. » En matière de littérature répugnante, mais surtout virtuose, écoeurante autant qu’époustouflante, on tient avec cet auteur un génial bricoleur, radical au possible, prompt à monter en kit et transes des histoires foulant aux pieds la décence, abattant l’une après l’autre les frontières de l’excès, de la morale, du tolérable. Dans Nuit noire, qui inaugure ce Malabar bigoût tartiné aux humeurs corporelles, la première personne plonge un lecteur médusé dans la tête d’un psychopathe particulièrement infréquentable, ayant poussé en mauvaise graine entre carton et environnement incestueux: « J’avais construit ma tête et j’habitais dedans », reconnaît-il humblement, avant de décrire par le menu ses ignobles rituels. Paranoïa tient plus du roman choral, présentant toute une galerie de personnages poisseux comme pas permis, cintrés tout autant, réunis autour d’une nébuleuse affaire de remplacement des humains par les machines. Un cocktail fantastique au sens premier, pour qui dispose tout de même d’un estomac bien accroché.

De Christophe Siébert, éditions Au Diable Vauvert, 320 pages.

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