Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

SEPT ANS APRÈS SON PRÉDÉCESSEUR, BLACKSUMMERS’NIGHT EST UN NOUVEAU PETIT BIJOU DE SOUL SÉMINALE, DISQUE CLASSIEUX ET AMOUREUX. MAXWELL, PAS LA PEINE D’EN RAJOUTER…

Maxwell

« blackSUMMERS’night »

DISTRIBUÉ PAR SONY. EN CONCERT, AVEC MARY J. BLIGE, LE 17/10, À FOREST NATIONAL.

8

On oublie trop souvent Maxwell. Cet été encore, tout affairé par l’événement qu’a constitué la sortie, annoncée, démentie, puis finalement confirmée du nouvel album de Frank Ocean, l’amateur de (neo)soul-R’n’B a pu faire involontairement l’impasse sur blackSUMMERS’night, 5e album, brillant, du chanteur américain. La faute est partagée. Tout se passe en effet comme si Maxwell essayait régulièrement de se faire oublier. Après avoir laissé passer huit ans entre ses deux disques précédents, il a de nouveau pris quelque sept années pour livrer ce blackSUMMERS’night, second épisode d’une trilogie (débutée avec BLACKsummers’night, en2009). À la lumière éblouissante du star-system, Maxwell semble avoir toujours préféré faire profil bas. À l’instar de la pochette de l’album précédent, le profil littéralement planqué dans l’ombre. Ou de celle du nouveau blackSUMMERS’night, qui le montre le visage caché dans les mains. Au Guardian, il expliquait récemment: « Les célébrités sont dans la compétition, ont des concurrents, qu’il faut combattre, ou parvenir à surpasser. Les artistes, eux, ne fonctionnent pas vraiment de cette manière-là…  »

Old school, Maxwell? Il y a de ça. Cocasse quand on se rappelle qu’à la moitié des années 90, en même temps qu’un D’Angelo ou une Erykah Badu, il faisait partie de ceux qui s’étaient lancés dans une large entreprise de rénovation de la soul… En fait, il s’agissait déjà, comme aujourd’hui, de revenir aux racines du genre. Ou en tout cas de lui redonner une épaisseur que les strass et les paillettes du business avaient eu tendance à rogner, confondant sentiments et sentimentalité, crooning et minauderie, miel et mélasse.

C’est encore ce qui anime aujourd’hui Maxwell. Dans la même interview, il se justifiait du temps pris pour réaliser un nouveau disque. « Je n’ai pas à ma disposition une mafia de créatifs qui bossent pour que ça se passe. Ce n’est pas mon style, ça ne m’intéresse pas« , à rebours de la tendance actuelle (hello Kanye West, coucou Beyoncé), préférant citer des modèles comme Marvin Gaye ou Sade. De cette dernière, Maxwell cultive en effet l’irrésistible classicisme.

Privilégiant la ballade adulte (« We will climax with reason », sur 1990X) et le mid-tempo, blackSUMMERS’night a le groove soyeux, amoureux, mais jamais précieux. Falsetto en avant, All the Ways Love Can Feel montre le chemin d’un disque inspiré, à la fois instantané et riche de mille détails. Prince n’est jamais très loin -comme sur Fingers Crossed, dont la fin est emballée dans des cuivres bienveillants. Difficile encore de résister au lover call de 1990X, sommet de soul romanesque, épopée séminale qui redonnerait des émotions au plus blasé des palpitants. À cet égard, et pour boucler la boucle, blackSUMMERS’night est moins une réponse à un disque comme Blond de Frank Ocean que son complément, sa version luxuriante. Ou plutôt: une preuve de plus que le R’n’B et la soul, en 2016, sont plus prolifiques que jamais.

LAURENT HOEBRECHTS

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