Un Max de plaisir – Les 4 chefs-d’ouvre de la seconde période française de Max Ophuls sont réunis dans un coffret. On s’y abandonne, comme dans un tourbillon.

La Ronde Avec Anton Walbrook, Simone Signoret, Danielle Darrieux. 1 h 28. 1950.

Le Plaisir Avec Jean Gabin, Danielle Darrieux, Daniel Gélin. 1 h 33. 1952.

Madame de… Avec Danielle Darrieux, Charles Boyer, Vittorio De Sica. 1 h 36. 1953.

Lola Montès Avec Martine Carol, Peter Ustinov, Anton Walbrook. 1 h 50. 1955. Dist: Belga.

On peut, sans excès, parler d’événement: voilà, en effet, réunis en un coffret les 4 films – autant de chefs-d’£uvre – que devait réaliser Max Ophuls en France dans les années 50, au lendemain de sa période hollywoodienne. Cinéaste de l’exil – il était né en Allemagne en 1902, et devait y faire ses débuts, avant de transiter par la France, la Suisse, les Etats-Unis et, enfin, la France à nouveau -, Ophuls fut aussi celui du mouvement. Adapté de Arthur Schnitzler, La Ronde en apporte l’éclatante démonstration qui, sous la conduite d’un maître de cérémonie, orchestre la ronde de l’amour, glissant d’un protagoniste à l’autre dans un mouvement d’une exceptionnelle fluidité. Le film est un ravissement pour les sens, en même temps qu’il constitue l’observation, grave et légère à la fois, de chassés-croisés amoureux. Le même type d’articulation est à l’£uvre dans Le Plaisir, adaptation brillante de 3 nouvelles de Maupassant. Esprit et élégance du geste sont au rendez-vous, Ophuls signant une £uvre éblouissante, où la mise en scène virtuose sert un questionnement sur le plaisir, et ses multiples fracas. Quant au romantique Madame de… , il s’agit sans conteste d’un sommet du raffinement esthétique, à l’accomplissement technique s’ajoutant la grâce de l’interprétation. Celle de Danielle Darrieux, en particulier, appelle les superlatifs, alors que le film orchestre, au départ de la vente par une femme du monde frivole d’une paire de boucles d’oreille, un subtil glissement du vaudeville à la pure tragédie.

Le grand saut

Le tragique, c’est le sentiment qui domine dans Lola Montès, le portrait d’une courtisane déchue dont la vie scandaleuse est jetée, chaque soir, en pâture au public d’un cirque attendant, avide, qu’elle exécute le saut de la mort. Peter Ustinov joue les monsieur Loyal, tandis que Martine Carol confère une absence morbide à cette héroïne, dans un film dont les ors baroques soulignent la funèbre beauté. Ophuls y déploie son sens inégalé du mouvement, en même temps qu’il ose une construction bousculant la chronologie, et un travail sans précédent sur la couleur et le son. Audacieux, Lola Montès sera fraîchement accueilli, avant d’être charcuté par ses producteurs. Il constitue le testament cinématographique de son auteur, qui devait mourir 2 ans plus tard, en 1957. Le redécouvrir aujourd’hui, dans un montage conforme à la volonté du cinéaste, permet de l’estimer à sa juste valeur, celle d’un authentique chef-d’£uvre portant l’art raffiné de Max Ophuls à sa quintessence. Un enchantement.

Jean-François Pluijgers

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