Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

LUCIE LANZINI S’EST FIXÉ POUR MISSION D’EXPLORER LE CHAMP DES POSSIBLES DE LA MATIÈRE. UN VOYAGE QUI DÉBOUCHE SUR UNE EXPOSITION DE HAUTE DENSITÉ.

Captives

LUCIE LANZINI, MAAC, 26-28, RUE DES CHARTREUX, À 1000 BRUXELLES. JUSQU’AU 02/07.

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C’est sur un coup de tête que Lucie Lanzini est venue s’installer, en 2010, à Bruxelles. On ne peut que s’en réjouir. Ces presque 7 ans -de réflexion?- dans la capitale ont été plus que favorables à la Française. On en veut pour preuve deux temps forts: un solo show décroché à la suite de l’obtention du prix Art Contest et, aujourd’hui, une résidence de 6 mois à la Maison d’Art des Chartreux d’où procède Captives, une exposition d’une incroyable richesse. La grande affaire de cette lauréate de la Bourse COCOF 2016, c’est la matière. A la manière d’une inquisitrice d’un genre particulier, elle la soumet à la question, la contraint par corps, la pousse vers ce qu’elle n’est pas, l’oblige à révéler ses autres, c’est-à-dire l’absence, le creux, le vide, le fragile. Les deux pièces que cette plasticienne de 30 ans occupe à la MAAC en témoignent. La première salle donne à voir des oeuvres anciennes. Celles-ci s’articulent autour d’un travail sur les croyances populaires liées au monde animal. Oiseaux de mauvais augure et bouc émissaire: on connaît le cortège de superstitions autour de cette thématique. C’est avec beaucoup de subtilité et avec le souci d’inscrire cet imaginaire collectif à même la matière que la sculptrice envisage la problématique. On retient surtout la présence de deux miroirs -ils constituent un élément déterminant de sa grammaire formelle- qui apparaissent comme étrangement oxydés. Il s’agit en fait d’une variation sur les impacts causés par les oiseaux qui s’écrasent sur les fenêtres. Lucie Lanzini s’est attachée à documenter ces trajectoires malheureuses et à les restituer à travers l’utilisation d’un pochoir et la projection d’argenture -procédé qui permet de déposer une couche réfléchissante sur du verre. On s’émeut de voir la matière se mettre au service de ces rencontres fatales dont personne ne garde le souvenir. Ce que la matière a défait, elle peut le réparer, telle semble être la leçon de ces traces.

Minimalisme charnel

Bien sûr, le clou du spectacle est à découvrir dans le grand espace de la MAAC. C’est dans cette salle disposant d’une hauteur sous plafond impressionnante que l’artiste a disposé l’installation qui résulte des 6 mois de sa résidence. Minimaliste en apparence, le dispositif explore un grand nombre de chemins visuels: l’équilibre, le reflet, l’horizontalité, le trompe-l’oeil, la trace de l’intime… On y décèle aussi l’influence de la peinture, notamment le goût de la nature morte, que l’intéressée reconnaît comme essentielle à sa pratique. L’élément le plus frappant? Les sortes de monolithes gris qui scandent le lieu. Ils se découvrent comme autant de fausses pistes pour l’oeil. Fausses pistes? Ils ne sont pas ce qu’ils semblent. On les croit proches du béton, denses… ils sont en réalité constitués de mousse polyuréthane teintée et se soulèvent comme rien. Dans la foulée, on se rend compte qu’ils ne sont pas « pleins » mais qu’ils gardent en creux l’empreinte de détails architecturaux domestiques. Des cordes aussi traversent l’endroit. Certaines sont conformes à ce que l’on sait d’elles, d’autres, présentées comme une échappatoire, sont moulées dans la résine et interdisent que l’on en fasse usage. Bien sûr, le verre est lui aussi présent, parfois biseauté, parfois découpé, parfois teinté. Le tout pour une composition qui hante longtemps l’esprit et donne l’impression d’avoir davantage vibré à l’unisson de cette prison matérielle qui est la nôtre.

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MICHEL VERLINDEN

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