GROUPE DE CLUBS ENFUMÉS, COLD WAR KIDS CHERCHE LE CHEMIN DES STADES. LE PRODUCTEUR DE MINE IS YOURS, SON 3E ALBUM, EST AUSSI CELUI DES 2 DERNIERS KINGS OF LEON.

Le 17 février, les Enfants de la guerre froide joueront pour la troisième fois à l’Ancienne Belgique. Là même où on les avait découverts, fiévreux, il y a 4 ans, en première partie de Clap Your Hands Say Yeah. Flanqué de son bassiste Matt Maust, Nathan Willett, bouffi, nous taille la causette dans un hall d’hôtel amstellodamois. Comme le son de ses Cold War Kids, le chanteur californien, malin, affable, a fameusement grossi.

Mine is yours ( lire la critique page 35) est un disque beaucoup plus produit que ses prédécesseurs. Vous visez le mainstream?

Nathan:  » Nos 2 premiers albums étaient très instinctifs. Nous les avons enregistrés d’une manière qui nous semblait naturelle et spontanée. Live. Vite fait bien fait. Sans trop chipoter en studio. Avec peu de prises et d’overdub. A nos débuts, fauchés, c’est la méthode qui s’imposait. Ensuite, quand nous avons signé avec un label, elle est devenue un moyen de se sentir à l’aise, en terrain connu. En apportant les dernières touches àLoyalty to loyalty, nous avons cependant réalisé que la formule commençait à s’essouffler. Que nous devions enfin nous décider à enregistrer un véritable disque studio. Un disque auquel on consacrerait tout le temps dont il aurait besoin et sur lequel on ferait les choses dans les règles de l’art. »

La mutation n’a pas été trop douloureuse?

Nathan:  » Il n’est jamais facile de changer en restant soi-même. A certains moments, en studio, lorsque nous avions passé des heures et des heures sur des éléments qui devenaient pratiquement imperceptibles, nous avons pensé devenir barjots. Nous avons toujours été des défenseurs de la spontanéité dans l’art. Mais nous avons saisi que la spontanéité, après, elle se travaille. Je dois bien avouer que certaines chansons m’ont pris énormément de temps. J’ai déjà ramé pour savoir ce que je voulais vraiment raconter. J’ai du mal à dire pourquoi. Ça a peut-être toujours été le cas. Il faut toujours essayer de se surprendre, de se secouer. Notre premier album était lié à la littérature, la narration, la fiction… Le deuxième a débouché sur des paroles plus abstraites, un style plus poétique. Mais je m’y suis senti de moins en moins connecté avec le temps et j’ai voulu me diriger vers quelque chose de plus personnel. »

Vous l’expliquez comment?

Nathan:  » C’est sans doute lié à mon mariage. Puis à cet âge auquel on est arrivés dans nos vies. Au fait d’avoir été en tournée avec une existence presque surréaliste pendant 3 ans. A celui d’être rentrés à la maison et d’avoir retrouvé nos proches. Nous avons eu une vie très différente de la leur ces derniers temps et nous avons ressenti le besoin d’écrire sur ce qu’ils ont eux expérimenté. Je ne voulais pas décrire le genre de vie que nous menons. Il est important de savoir se détacher de l’industrie musicale. Il faut aussi se donner le temps de vivre. Nous avons besoin de stabilité. Beaucoup d’artistes ne font que raconter qui ils sont, d’où ils viennent et ce qu’ils font… Chanteur d’un groupe, je ressens le besoin de refléter tout ceux qui en font partie. Nous avons tant de choses en commun en termes de valeurs et de priorités. Mais il y a une solitude qui s’installe sur la route. Une solitude de groupe. Si tu ne regardes pas autour de toi, tu ne peux pas durer. »

Pourquoi avoir embauché Jacquire King, producteur du dernier Kings of Leon?

Matt:  » Nous ne voulions pas travailler avec la même équipe que d’habitude. Nos potes de Modest Mouse nous l’ont recommandé. Nous respections beaucoup ce sur quoi il avait travaillé: les Kings of Leon, Modest Mouse, Norah Jones, Tom Waits… Des groupes très différents qu’il n’a pas tous fait sonner de la même façon. Si tu travailles avec des producteurs comme Flood ou Brian Eno, tu finis par te retrouver avec un de leurs disques plus qu’avec l’un des tiens. »

Vous faites toujours du Cold War Kids. Mais du Cold War Kids de stade. Vous n’avez pas peur de vous égarer en chemin?

Nathan:  » Evidemment, il y a un risque de perdre ta sincérité quand tu pars à la rencontre du grand public. Mais il existe aussi des exemples de groupes qui ont progressé artistiquement en gagnant des fans. U2, REM, après 3 ou 4 disques, sont parvenus à tout transcender. »

Matt:  » Les Yeah Yeah Yeahs ne sont pas moins sincères qu’à leurs débuts mais ils n’ont pourtant fait que devenir de plus en plus accessibles. »

Nathan:  » Dans la conception, l’accouchement, nos 2 premiers disques n’avaient pas grand-chose de différent. Alors, oui, on peut reprocher à des artistes de devenir easy ou cheesy. Mais c’est sans doute encore pire de se dire qu’ils font du surplace. Qu’ils ne prennent plus aucun risque parce qu’ils ont trouvé une formule et pensent qu’elle marchera éternellement. »

Quels sont les albums au son massif qui vous ont le plus marqués?

Nathan:  » Je ne suis pas convaincu qu’on écoute tant de grosses productions que ça. Achtung Baby de U2, Combat Rock de The Clash. Et je pense que c’est un qualificatif qu’on peut aussi coller au Abattoir Blues de Nick Cave et au premier Grinderman… »

Matt:  » Je trouve tous les albums de U2 incroyables à leur manière. En 2010, les gens vont avoir une tout autre vision des choses mais en 1988 et 1989, U2 incarnait la sincérité. Avec Joshua Tree , Achtung Baby , il était évident que le son devenait massif mais tout aussi flagrant que le groupe conservait son essence et ses gènes. » l

RENCONTRE JULIEN BROQUET

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