Mariah Carey. Casta diva
Il y a quelques années, le critique musical canadien Carl Wilson avait défrayé la chronique en publiant un étrange exercice d’admiration adressé à l’artiste qu’il disait pourtant détester le plus: Céline Dion. Dans Let’s Talk About Love (Le Mot et le Reste, 2016), il s’interrogeait sur sa propre répulsion pour tout ce que touchait la chanteuse -pour le » mauvais goût » dont tout son métier s’était fait le repoussoir. C’était un livre à l’honnêteté magnifique, qui voyait Wilson revenir sur ses propres préjugés et finir par comprendre, et même aimer, la joie, le plaisir, l’émotion que Dion suscite chez ses fans. Avec son premier livre, consacré à Mariah Carey, le Normalien Valentin Grimaud, 28 ans, a choisi une voie différente. Chez lui, la question du goût ne se pose pas: il est évident, dès les premières lignes de son livre, que l’interrogation sur les mérites de l’oeuvre de la chanteuse au sifflet magique ne se posera pas. Il faut croire qu’entre l’Amérique des magazines pop spécialisés et la France de Normale Sup il existe une différence: là où les uns sont obsédés par la possibilité de satisfaire aux exigences du bon goût, les autres préfèrent celles, plus froides, de la pensée. Grimaud, donc, tente de penser le cas Carey -de l’inscrire dans un paysage théorique et musical plus vaste qu’elle, convoquant toute l’histoire de l’art lyrique afin de tenter de comprendre ce que Roland Barthes appelait son » grain de la voix« . L’enquête, toutefois, n’est pas aride. Au fil des pages et des développements, la vie de celle qui reste avant tout une autrice-compositrice n’est pas oubliée: autant qu’une interrogation sur la voix, Mariah Carey est une vibrante biographie -au sens inauguré à la Renaissance par Giorgio Vasari dans ses Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes. Grimaud y raconte avec gourmandise les hauts et les bas d’une carrière, les folies et les angoisses d’une star soumise aux caprices d’un organe aussi fuyant que génial, les éclipses et les retours. Réjouissant.
De Valentin Grimaud, éditions Le Mot et le Reste, 224 pages.
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