MANUEL GEERINCK EST LE PREMIER BELGE RÉCOMPENSÉ PAR LES SONY AWARDS, RAYON CONCEPTUEL. CE BRUXELLOIS DE NEW YORK NOUS EXPLIQUE COMMENT SA PHOTO ADOPTE DE FANTASQUES ALLURES DE PEINTURE PEU FIGURATIVE.

Première impression sous forme de fichiers Internet: quelques centimètres carrés très colorés aux géométries vaguement Francis Bacon. On n’est pas impressionné. Seconde étape, à la Somerset House où, de visu, les deux reproductions de Manuel Geerinck exposent toute leur splendeur chromatique. L’intrigue grandit, le doute s’estompe. Clairement, voilà de la photo destinée au grand format à ne pas consommer en granulés digitaux. Voilà aussi de la photo mutante, contrairement à l’allure de premier de classe de son géniteur, Manuel Geerinck, 51 ans, ex-élève hésitant:  » Quatre écoles primaires, huit ans de lycée plutôt que six, heureusement par après, je me suis retrouvé à St Luc puis pendant cinq ans en Communication visuelle à La Cambre. » Le Bruxellois francophone travaille longtemps dans l’illustration – » c’est l’idée qui prime »-, déménage à Paris, puis en 2003, à New York. Piges pour Le Nouvel Obs, Libé, Le Monde diplomatique et même la section Sunday Book Review du très chic New York Times. « Mais depuis longtemps, je peignais également, des formes détourées, non figuratives sans être abstraites. J’ai eu l’idée de découper mes peintures sur papier en éléments mobiles que j’ai ensuite alignés ou suspendus afin de les photographier. D’emblée, cela a donné un autre type de dynamisme et je me suis rendu compte que cette matière-là m’ouvrait des portes. » Quand cela arrive -en 2002-, Geerinck se sert de la caméra argentique pour produire des négatifs qu’il va ensuite scanner.  » Un dispositif soigneusement installé, qui laisse le moins de place possible à l’aléatoire, je ne prends qu’une dizaine de photos par sujet, pas plus. C’est un dérivé, une transformation de la peinture, un mouvement que tu captures. D’ailleurs, je ne recadre pas, c’est mon dogme (sourire).  » Après les réactions initiales classiques -les galeries de photos trouvent que ce n’est pas de la photo, les équivalents peintures idem-, Manuel Geerinck se taille une place dans -ouvrez les guillemets- le monde de l’art. Ce fan de Man Ray et des années 20 laisse notre inconscient interpréter ses fresques qui, entre ombres martiennes, limbes solaires et sang christique, traquent une possible forme d’humanité. Pré-humaine ou futuriste, à voir ou à acheter, 6000 euros pour les formats classiques, 18 000 pour les versions laquées.  » A Bruxelles, où je ne cesse de venir, j’ai trouvé un laqueur à Anderlecht, qui a accompli mes fantasmes de finition inédite: il a trouvé une variété de produit qui ne bouffe pas le tirage papier sur lequel il pose cinq couches, à un mois d’intervalle. » Tant qu’on scrute le voyage dans la matière, pourquoi travailler avec une base film à l’ère du sur-traficotage digital?  » Le numérique me fait perdre du dégradé et le film -dont je conserve scrupuleusement les négatifs originaux- est plus doux. Il est d’ailleurs un objet en soi et j’ai le plaisir de l’objet… » l

u WWW.MANUELGEERINCK.COM

Ph.C.

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