Malakoff

Sur les conseils d’un ami, Gregory Buchert postule pour une résidence de création à Malakoff. Ravivant un souvenir de jeunesse lié à Sam Szafran, figure locale et pastelliste habile, le nom de la ville d’accueil lui fait miroiter une hypothétique Russie pouvant contenir un ailleurs plus vaste, plus romanesque. Isolé dans la mansarde du centre d’art municipal, l’artiste s’imprègne des lieux et rédige son journal. Enquêtant sur les possibles origines russes de cette ville phosphorescente perdue quelque part entre la banlieue parisienne et les reliefs de l’Oural, Buchert se laisse entraîner par un subtil effet de distorsion. Coiffé d’une chapka et armé d’un bâton de sourcier, son jumeau Gregor lui apparaît bientôt dans la glace, prêt à prendre le relais. Enregistrant sa discrète métamorphose, débute un passionnant jeu de va-et-vient entre deux corps, le vrai et le faux, le quotidien et son commentaire. Le plasticien Gregory Buchert signe un premier roman virtuose sur le simulacre et l’art contemporain. « On peut penser que si tant de municipalités invitent aujourd’hui des artistes à intervenir sur leur territoire, c’est parce qu’elles ont un besoin inconscient de remplacer l’idiot du village – fonction essentielle à toute communauté.  » Tout en « décrochage » artistique, royaume du trompe-l’oeil, son récit cache aussi quelques blessures enfouies sous le talent de l’écrivain qui advient. De gravures naïves en photographies brumeuses, de beignets au fromage en rochers luxembourgeois, l’oeuvre, la performance et le document se confondent et le lecteur de boire du petit lait -ou était-ce un White Russian?

De Gregory Buchert, éditions Verticales/Gallimard, 320 pages.

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