Made in Trenton

Qui est vraiment Abe Kunstler, ce gaillard qui est toujours le premier à se débarrasser de son bleu de travail à peine ses tâches achevées? Que cache l’apparente indifférence avec laquelle il accueille les blagues de bizutage qu’ont à subir les nouveaux de l’usine? En 1946, à Trenton, quand au sortir de la guerre renaissent les espoirs et l’industrie, certains s’engouffrent de tout leur être dans la machine à rêves, celle qui permet de se façonner une nouvelle peau, des gestes plus assurés, une voix qui porte. Une attitude qui permet d’enlacer les jeunes femmes au dancing sans éveiller les soupçons. D’être comme tous ceux dont les titres de noblesse sont  » les croûtes de savon à barbe séché, la brillantine, [la] brusquerie, et cette façon de se gratter sans cesse l’entrejambe« . Abe est né femme et la mort brutale et providentielle d’un mari violent a bousculé sa vision du monde et fait surgir un dessein à l’encontre des conventions. Celle qui fut soumise doit disparaître au profit d’un être solide qui ne fuira pas et se reconstruira quoi qu’il en coûte une famille. Made in Trenton est un premier roman qui explore le genre de façon troublante. Entre flashbacks hallucinés et plan retors qui se déroule presque sans accroc, Tadzio Koelb nous donne à traverser une quête d’identité rêche en forme de revanche sur la condition féminine doublée, en filigrane, d’une réflexion sur l’assimilation culturelle. Comment Abe pourra-t-il accepter que son fils soit sensible et doté d’une faille quand il l’a fantasmé comme un archétype de virilité, cet idéal que son simulacre ne lui permettait pas de réaliser complètement lui-même?

De Tadzio Koelb, traduit de l’anglais (États-Unis) par Marguerite Capelle, éditions Buchet-Chastel, 256 pages.

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