Ma voisine est indonésienne

Colin Bouchat Journaliste BD

L’immobilité pourrait être la prochaine caractéristique des reportages, documentaires et autres récits de voyage en temps de Covid. Si le nouveau récit d’Emmanuel Lemaire débute avant la pandémie, il se termine en plein dedans. Pour quelqu’un dont la courte carrière en bande dessinée est axée autour du voyage ou des histoires régionalistes, cela pose problème. Mais il contourne la contrainte en faisant venir à lui l’étranger, en l’occurrence une voisine indonésienne. Le petit bout de femme raconte à l’auteur son pays par bribes, au travers de spécialités culinaires, de souvenirs d’enfance ou de sa phobie pour les chatons. Leurs conversations ne durent jamais longtemps: une casserole sur le feu ou une machine à laver terminée fait disparaître la voisine soudainement, laissant son interlocuteur sur sa faim… Wikipédia comblera sa soif de découverte. Mais l’Indonésienne, établie en France depuis quelques années, est aussi exploratrice de son pays d’adoption. Elle passe ses week-ends dans des villes de province, sous des prétextes improbables glanés dans ses lectures. Emmanuel Lemaire n’est pas qu’un raconteur d’histoire, curieux et respectueux des coutumes des autres, c’est également un formidable graphiste. Une longue pratique du dessin sur carnet de croquis exécuté lors de périples divers lui permet de transposer fidèlement sur papier les déambulations de sa voisine dans le milieu urbain. Fils spirituel de Lucien De Roeck (affichiste de l’Expo 58) pour l’architecture et de Frank Pé (période Broussaille) pour les personnages, l’auteur évoque de manière subtile sa rencontre entre deux êtres fort éloignés culturellement mais animés tous deux par une volonté de découvrir et de comprendre l’autre, véritable socle de la tolérance.

D’Emmanuel Lemaire, éditions Delcourt, 128 pages. ***(*)

Ma voisine est indonésienne

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