LES VIVANTS ET LOS MUERTOS – CINÉASTE RADICAL, LISANDRO ALONSO COMPTE PARMI LES AUTEURS MAJEURS DU NOUVEAU CINÉMA ARGENTIN. DÉMONSTRATION AVEC UNE INTÉGRALE BIENVENUE.

UN COFFRET DE 4 LONGS MÉTRAGES. ED. POTEMKINE. DIST: TWIN PICS.

Dans le contexte stimulant d’un nouveau cinéma argentin ayant révélé, en un peu plus de 10 ans à peine, les Carlos Sorin, Juan Jose Campanella, Pablo Trapero, Daniel Burman, Lucia Puenzo ou autre Lucretia Martel, Lisandro Alonso apparaît comme l’une des voix les plus singulières. Et, partant, radicale: on s’aventure dans son cinéma comme on s’avance en terre inconnue, tous sens en éveil face à une £uvre dont le mystère, et avec lui sa dimension proprement envoûtante, résiste à des visions répétées. Un postulat que permet aujourd’hui de vérifier l’édition DVD de son intégrale en 4 longs et un court métrages, n’étant pas sans évoquer, par moments, l’univers d’un Apichatpong Weerasethakul.

Une ligne obstinée

Outre la radicalité, Alonso partage avec ce dernier d’instruire un rapport inusité autant que viscéral à la nature. Ainsi, déjà, de La Libertad (2001), film au titre ironique qui, figure récurrente de l’£uvre, suit le parcours d’un homme seul, Misael, jeune bûcheron de la pampa dont le quotidien semble répondre à un ordre immuable autant qu’écrasant, quoiqu’inscrit dans un rapport quasi fusionnel avec son environnement. S’y affirment, déjà, une exigence formelle et la volonté de faire du cinéma une expérience sensorielle, qualités que l’on retrouve dans Los Muertos (2004), un film qui accompagne Vargas, un meurtrier sortant de prison pour s’enfoncer à bord d’une barque dans la jungle, à la recherche de sa fille. De son formidable plan séquence d’ouverture à son non-dénouement, le film suit une même ligne, obstinée et minimaliste. Au-delà de la relation ambivalente de son protagoniste central à la nature, Los Muertos questionne subtilement la notion de liberté; épurée, l’£uvre est aussi d’une puissance rare -récompensée en son temps par le Prix de l’Age d’or de la Cinematek. Appendice à ce diptyque, Fantasma (2006) fait, pour sa part, converger les routes des personnages principaux des 2 films précédents vers un théâtre de Buenos Aires, où a lieu une première de Los Muertos. C’est là, sans doute, l’essai le plus gratuit, voire complaisant, de son auteur -encore qu’il y ait quelque chose d’incontestablement fascinant à voir les protagonistes évoluer à la manière de fantômes dans un vaisseau ne l’étant guère moins.

Suite logique, Alonso embarque à bord d’un paquebot dans Liverpool -un titre dont le sens ne sera révélé qu’au dernier plan, magique, du film, après qu’un marin a débarqué à Ushuaia pour aller rendre visite à sa mère. C’est là le prélude à un road-movie que l’on jurerait à l’arrêt, écho de vies en suspension dans un horizon immuable qui bientôt les absorbe. Perspective étrange comme envoûtante embrassée avec une forme de fatalisme laconique, à quoi Alonso ajoute un sens de l’humour oblique dans l’entretien qui accompagne chacun des 4 films. De quoi prolonger utilement un voyage débouchant sur des horizons à l’austérité foisonnante.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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