Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

REPÉRÉE GRÂCE À SON MINI-TUBE AÉRIEN, LA JEUNE MÉTISSE LONDONIENNE S’APPRÊTE À PASSER À LA VITESSE SUPÉRIEURE. EN CONCERT AUX NUITS, LE 12 MAI, À L’ORANGERIE

Dans un monde de brutes, un peu de délicatesse. Un morceau plus léger que l’air, plus mélancolique qu’un verre de menthe à l’eau une après-midi sous la pluie. No Room For Doubt parle de culpabilité, d’amour cabossé, de doutes et, in fine, d’espoir, peut-être, quand le jour se lève. En duo avec l’Américain Willy Mason, Lianne La Havas y promène son vague à l’âme, la voix joliment voilée, le grain capiteux, un peu à la manière de Feist.

Son premier album n’est pas encore sorti (il est prévu pour juin), mais on parle déjà pas mal de la jeune métisse londonienne. Une apparition dans l’émission de Jools Holland (au cours de laquelle elle croise Bon Iver qui, conquis, lui a proposé de l’accompagner sur sa dernière tournée nord-américaine). Une sélection aussi parmi les finalistes du BBC Sound of 2012. Et puis, un premier EP, sur lequel on trouve ce No Room For Doubt, qui, grâce encore à une session dans les rues de Montmartre pour la Blogothèque, a reçu un autre coup de pouce pour entretenir le frémissement.

Guitar hero

Récemment, Lianne La Havas passait par l’Ancienne Belgique pour un concert programmé au club de la salle bruxelloise. L’occasion de l’interroger sur son parcours. Il commence en août 89, à Londres. Sa mère vient de Jamaïque, le paternel est d’origine hellénique. « Quand mon père parle grec avec ma grand-mère, je le comprends un peu. Mais je n’ai été qu’une fois sur place, à Athènes. Je suis incapable d’enchaîner deux mots. » Monsieur La Havas est musicien, et joue sur à peu près tout ce qui produit du son: » Guitare, piano, harmonica, accordéon, saxophone… Il pratique un peu tous les styles, mais adore surtout le jazz. » C’est lui qui offre un petit clavier à sa fille âgée alors de 8 ans. Elle apprend à le maîtriser en autodidacte. Mais ce n’est qu’avec la guitare qu’elle trouve l’instrument capable de traduire ses émotions. « J’avais 18 ans. C’était comme si j’avais enfin trouvé mon véhicule, le medium dont j’avais besoin. Le seul fait d’en jouer m’apaise complètement. C’est un sentiment très gratifiant. Avec le piano, je n’arrivais pas à jouer aussi bien que je le voulais. Avec la guitare par contre, je me sens directement connectée. La manière d’écrire des chansons a changé du coup. »

Aujourd’hui, Lianne La Havas fait donc dans la soul acoustique et autobiographique – « la musique a un effet cathartique pour moi. Elle me sert vraiment à exprimer ce que j’ai au fond de moi », comme dans Age où elle raconte une relation qui foire à cause de la trop grande différence d’âge. Pour le jeu de guitare, elle cite l’influence énorme de la guitariste jazz Emily Remler, « une musicienne phénoménale, avec un feeling impeccable. Je regardais ces tutoriaux sur YouTube et j’essayais de la copier. «  Héroïnomane, Remler est décédée d’une insuffisance cardiaque à l’âge de 32 ans.

Chemise fermée jusqu’au dernier bouton et sourire lumineux, Lianne La Havas paraît bien loin de la déglingue trash. On a évoqué Feist plus haut pour la voix. Mais certains penseront également à Corinne Bailey Rae, voire à Norah Jones, pour les côtés plus jazzy. Et lisses. Un côté parfois trop poli dont elle semble cependant consciente. « Je ne veux pas rester calée dans le côté acoustique, délicat. J’ai envie d’explorer d’autres aspects de ma personnalité. » Dont acte.

LIANNE LA HAVAS, EP LOST & FOUND, DISTRIBUÉ PAR WARNER.

LAURENT HOEBRECHTS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content