Les séries, le monde, la crise, les femmes

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Gérard Wajcman aime les séries télévisées. Il les aime avec la gourmandise double de celui qui n’en a jamais assez de se plonger dans de nouveaux univers -et de celui que les univers en question font gamberger à mort. Il avait déjà donné un échantillon de ses cogitations en la matière par le biais d’un petit livre virtuose et brillant qu’il avait publié naguère à propos des Experts (Puf, 2012). Aujourd’hui, le paysage est plus vaste: c’est à la série comme forme que Wajcman s’attaque -une forme qui n’est pas tant celle d’un genre que celle d’une manière de donner à voir le monde. La peinture de chevalet avait ouvert la fenêtre sur l’extérieur; le cinéma avait donné à voir un espace en mouvement; la série, désormais, ce qui rend visible que ce que nous appelons « monde », est avant tout le produit d’une crise. Il suffit de regarder: gueules cassées, biographies louches, psychés perturbées, contextes politiques pourris -les personnages de séries et les aventures qu’ils vivent ne respirent pas vraiment la grande santé. Mais ce n’est pas tout. Wajcman, en grand lecteur de l’oeuvre de Jacques Lacan, ne pouvait pas laisser de côté le fait que cette crise passe désormais par des figures de femmes comme on n’en avait jamais vues. Ces femmes, il les appelle les « déglingueuses ». Pourquoi? Parce qu’elles sont déglinguées et qu’elles déglinguent -et que, du fond de cette déglingue, c’est de celle d’un monde littéralement devenu fou qu’elles constituent le symptôme hypnotique et un peu dégoûtant. Comme Wajcman a littéralement tout vu et qu’il n’hésite pas à multiplier les exemples, il va falloir se lever tôt pour le contredire, à supposer qu’on en aurait envie. Ce n’est pas notre cas.

Les séries, le monde, la crise, les femmes

de Gérard Wajcman, ÉDITIONS Verdier, 128 pages

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