PROGRAMMÉS À LA FÊTE DE LA MUSIQUE, ILS ONT INTITULÉ LEUR PREMIER ALBUM BELGOTRONICS EN HOMMAGE À KONONO ET UTILISENT DES INSTRUMENTS BRICOLÉS À L’AIDE DE NOIX ET DE BOÎTES DE CONSERVE. HOQUETS OU QUAND LA POP RECYCLE LE QUOTIDIEN…

27 septembre 2009. Alors que tout le monde fête, sous le soleil, la Communauté française, Maxime Lê Hùng se retrouve à gratouiller sur la terrasse de son nouveau pote McCloud Zicmuse. Les 2 hommes finissent par s’ennuyer et se mettent à jammer avec des bouts de bois qui traînent sur les toits.  » J’avais des questions. Comme tous les enfants. Alors, Maxime avait apporté un article sur la structure de la Belgique, rigole l’excentrique et déjanté. On s’est mis à délirer sur le sujet et on s’est dit: pourquoi ne pas creuser dans cette veine? »

Il faut moins chercher la moquerie que la tendresse chez Hoquets et cet ami américain qui chante la curiosité des choses de notre quotidien dont on oublie l’existence comme le stoemp et le Maitrank.  » Il existe une tendance, assez triste, à se dire que tout ce qui est vieux est sans intérêt. Or, la couque de Dinant par exemple, je la trouve belle. Je la vois presque comme une £uvre d’art. Elle me rappelle un artisanat en voie de disparition. Un artisanat qu’on entretient, nous, dans notre rapport à la musique.  »

Artisanat et do it yourself ne sont guère des expressions en l’air dans la bouche des Bruxellois. Leurs instruments, les mecs de Hoquets ne les achètent pas tout faits. Ils les bricolent de leurs petites mains avec des objets de récup. Boîtes de conserve, noix, planches de bois, vieux câbles électriques…

 » Mon père est luthier, glisse Zicmuse. J’ai commencé mes expériences chez lui. Dans les années 90. Mais le déclic remonte à 4 ou 5 ans. Je vivais à Lyon. Je me suis fait piquer ma guitare. Je n’avais plus de gratte, pas d’argent et j’avais besoin de faire de la musique. Je me suis donc mis à fabriquer mes propres instruments.  »

A l’image de ces artistes congolais dont Zicmuse, Lê Hùng et François Schulz, dernier larron de l’improbable trio, sont des inconditionnels. Les Hoquets sont signés sur Crammed -le plus africain des labels belges-, ont participé à la compilation Tradi-Mods vs Rockers et ont intitulé leur album Belgotronics en hommage au Congotronics de Konono N°1.

En Afrique et dans les pays pauvres, le recyclage et la débrouille sont pour les musiciens sans le sou une « absolue nécessité ». Les Konono utilisent des percussions improvisées avec des ustensiles de cuisine, jouent avec des likembés électriques équipés de micros fabriqués avec de vieux alternateurs de voiture. Comme les Kasai Allstars, ils ont bricolé leur amplification pour se faire entendre dans le brouhaha de Kinshasa. Dans la démarche des zigotos de Hoquets, il y a surtout le ras-le-bol des règles implicites de la pop, la lassitude des guitares, la quête d’une identité sonore. Puis aussi le fait de pouvoir voyager léger. L’une des contraintes étant que tous les instruments entrent dans le coffre d’une Fiat Panda.

De manière générale, dans les pays occidentaux, les instruments fabriqués avec des objets de tous les jours sont moins destinés aux chansons qu’aux projets expérimentaux. Moins à la radio qu’aux galeries d’art et aux festivals genre City Sonics. Avant de fonder Hoquets avec ses 2 comparses, François Schulz créait des installations, des concertos pour perceuses…

Et il n’est pas le seul fêlé de l’art sonore… Autre agité du bocal, notre compatriote Max Vandervorst, père entre autres du violon à clous et du choucroutophone, a inventé le terme « lutherie sauvage » pour qualifier la création d’instruments à base de matériaux non conventionnels. Originaires du Canada, les Women With Kitchen Appliances se servent de tout ce qu’elles trouvent dans une cuisine pour concevoir leurs pièces musicales. Tandis que Bill Milbrodt, plutôt que de se séparer de sa bagnole dans un état déplorable, a préféré la transformer en instruments de musique. Trombone en bras de vitesse et pots d’échappement, banjo construit avec des freins, cymbales créées à base de chapeaux de roue et de plancher de voiture…  » Maybe you can play my car« , pourraient aujourd’hui chanter les Beatles.

Henri Lim a été jusqu’à construire un clavecin avec des blocs de Lego. Un travail qui lui a pris 2 ans et plus de 100 000 pièces. Là où, plus bio, le Vienna Vegetable Orchestra joue avec la nourriture. Flûtes en carottes, tambours en citrouille et violons en poireaux…

D’Einstürzende Neubauten à Micachu

D’accord, Brian Wilson avait demandé à McCartney dans les années 60 de croquer le légume préféré de Bugs Bunny en rythme pour la chanson Vega-tables de son album Smile. Mais il était déjà devenu marteau et le disque n’a vu le jour que 40 ans plus tard (sans l’intervention de Paulo d’ailleurs). Au-delà du gadget, de l’utilisation occasionnelle pour un petit son farfelu, ils ne courent pas les rues, les musiciens dans la pop et le rock à inventer leurs propres instruments et à détourner les objets du quotidien.

Certaines (plus ou moins notables) exceptions confirment néanmoins la règle. Comme Einstürzende Neubauten qui utilise systématiquement depuis plus de 30 ans des bétonnières, perceuses, marteaux piqueurs, plaques métalliques et tuyaux pour bâtir son rock industriel.

L’électronicien Matthew Herbert, qui a tout de même monté un morceau entier sur des bruits de bombardements de la Seconde Guerre mondiale, est lui aussi un spécialiste de la récupération. De la boîte de McDo, de la canette de coca et du paquet de chips. Sampler, c’est tricher… Mais producteur du premier Roisin Murphy, Herbert avait invité l’évadée de Moloko à amener un objet quelconque avec elle en studio. Un magazine qu’il s’est mis à frapper, frotter, secouer pour trouver les premiers rythmes de son album avant de préconiser l’utilisation du radio-réveil et du heaume.

Influencée par le travail du théoricien et compositeur Harry Partch, qui remettait en question le matériau sonore et qui conçut des dizaines d’instruments parfois à partir de matériaux de récupération comme des ampoules électriques ou des culots d’obus, Micachu, sa nouvelle protégée, s’est mise à adapter et fabriquer ses propres instruments à cordes après la sortie de Jewellery sur lequel elle utilisait déjà quelques guitares préparées.

 » Quand ils nous voient débarquer, les gens se demandent ce qu’on va faire avec ce brol, remarque François Schulz. J’imagine que Hoquets en rebute certains. A commencer par des musiciens traditionnels. Mais beaucoup sont étonnés de notre son. A Reims, des mecs de la scène hardcore étaient littéralement bluffés.  » Ils ne sont certainement pas les derniers… l

u WWW.HOQUETS.NET

TEXTE JULIEN BROQUET, ILLUSTRATION HELL’O MONSTERS

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content