Les monologues du vagin

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Avec Dirty Computer, Janelle Monáe revient avec un album pop à la fois plus politique et plus personnel. Mais toujours aussi contrôlé.

« Dirty Computer »

Janelle Monáe est un cas unique. En tout cas au moins sur un point. Sans avoir réellement jusqu’ici obtenu une reconnaissance mainstream, elle a réussi à se faire une place enviable dans la pop culture actuelle. Ses deux albums précédents y ont certes contribué – The ArchAndroid (2010) et The Electric Lady (2013)-, mais pas seulement. Entre-temps, la jeune femme (Kansas City, 1985) a également frayé avec le cinéma -un rôle dans l’Oscarisé Moonlight, et un autre dans Hidden Figures, deux films aux thématiques aiguisées (une love story gay dans le cas du premier; l’histoire « based on a true story » de mathématiciennes noires engagées au sein de la Nasa dans les années 60 dans le cas du second). En outre, elle a largement été adoubée par ses pairs -de Stevie Wonder à Prince. De près ou de loin, les deux maîtres sont d’ailleurs convoqués dans le nouveau Dirty Computer

This pussy grab you back

La voix du premier apparaît à la faveur d’un intermède, Stevie’s Dream. L’esprit du second, qui aurait commencé à travailler sur le disque avant de gober quelques antidouleurs de trop, est quant à lui présent à peu près partout. Dans la lettre -la guitare en intro dans Screwed, le funk accrocheur de Make Me Feel-, comme dans l’esprit: Janelle Monáe se pose ainsi comme successeur favorite de son Altesse Pourpre, avec son syncrétisme pop-funk-rock, ses qualités de performeuse surdouée et son attitude queer revendiquée (longtemps mystérieuse sur sa sexualité, la chanteuse se définit aujourd’hui comme pansexuelle).

Les monologues du vagin

Dirty Computer ne se résume toutefois pas à ses influences ou à sa guest-list prestigieuse (le Beach Boy Brian Wilson et Pharrell Williams sont également de la partie). Il est d’abord un album, un vrai, pas une succession de singles. Avec peut-être moins de vernis conceptuel que d’habitude (à voir), mais toujours avec un propos affirmé. Écrit avec Grimes, Pynk (et la robe-vagin de son clip iconique) a donné un premier indice du discours féministe. « Hundred men telling me cover up my areolas/While they blocking equal pay, sippin’ on they Coca Colas », chante-t-elle encore sur Screwed. Dans le genre, Django Jane remporte la palme, morceau central de l’album, et l’un de ses plus réussis, à la fois intime et revendicatif – « Let the vagina have a monologue ». Présente l’an dernier lors de la Marche pour les femmes de Washington, Monáe n’hésite pas non plus à aiguiser son message politique. « If you try to grab my pussy cat, this pussy grab you back », prévient-elle sur I Got the Juice, dans l’une des nombreuses allusions à Trump (« The devil met with Russia and they just made a deal/We was marching through the street, they were blocking every bill », sur Screwed, en est par exemple une autre).

Bizarrement, cet engagement ne rend pas forcément Janelle Monáe plus incarnée. Impliquée, certes, mais maintenant toujours une sorte de distance. Soit. Si Dirty Computer n’est pas encore le chef-d’oeuvre que l’on est en droit d’attendre d’une si forte personnalité, il reste une tentative pop (et politique) audacieuse.

Janelle Monáe

Distribué par Warner.

7

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