Les maux bleus: les séries We Own this City et Oussekine montrent le côté sombre de la police
Derrière la fébrilité policière, il y a les tremblements d’une société qui vacille sur ses bases. Vingt ans après The Wire, la télé peaufine ses représentations des hommes en bleu perdus dans la zone grise. Et tape dans le dur.
En 2002, David Simon et Ed Burns réalisaient un tour de force: une chronique sociologique du trafic de drogue et de la corruption qui gangrènent Baltimore. Avec, au milieu, une institution policière déboussolée qui flirte avec l’illégalité. La même année, la série The Shield osait montrer le quotidien de flics ripoux, antihéros parfait d’un récit qui révélait l’envers d’un décor jusque-là rôdé, où régnaient l’ordre, la sécurité et la probité. Pour la première fois, l’image de la police était bien plus qu’écornée et demeurait indissociable de son terreau urbain (Baltimore, Los Angeles), des missions publiques délaissées (éducation, logement, sécurité), des loyautés qui s’y trament, des failles individuelles et collectives qui s’y creusent. Depuis, Seven Seconds ou Southland ont repris le flambeau et, tout récemment, The Responder, dans un registre britannique tout aussi percutant.
Violence policière
David Simon est de retour avec We Own this City (disponible prochainement en Belgique), coécrite avec George Pelecanos (The Deuce) et présentée en avant-première au Festival Séries Mania. Comme dans The Wire, les maux de la police sont indissociables de ceux d’une société où se manifestent toutes sortes de dominations, de déterminismes et de démissions (individuelles ou collectives). Cette nouvelle fresque, inspirée de faits réels rapportés par le journaliste Justin Fenton, relate la corruption d’une unité de stups, sur fond de racisme systémique et de violence policière. Créé pour vider les rues des armes à feux et des dealers criminels, le groupe mené par le sergent Wayne Jenkins (Jon Bernthal) multiplie les coups d’éclat avant de se faire prendre à la suite d’une enquête fouillée de Sean Suiter (Jamie « Marlo Stanfield » Hector). Deux ans après la mort de George Floyd, étouffé par le policier Derek Chauvin, et les manifestations de Black Lives Matter, We Own this City ausculte, dans la grande tradition historiciste de David Simon, le coeur d’une plaie encore vive.
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Je vous couvre
Dans une France traversée, elle aussi par de multiples lignes de fracture, la question des violences policières est au coeur d’un vif débat -tout comme chez nous. Sur Disney+, Antoine Chevrollier (Baron Noir, Le Bureau des légendes) et la romancière Faïza Guène (qui, en 2004, publia à 19 ans son premier roman, Kiffe Kiffe Demain) dirigent la série Oussekine, présentée en clôture de Séries Mania. C’est une reconstitution poignante des conséquences de la bavure policière qui coûta la vie au jeune étudiant Malik Oussekine, battu à mort par les voltigeurs du ministre de l’Intérieur Charles Pasqua, gratifiés d’un « je vous couvre » glaçant, en marge des manifestations contre la loi Devaquet en 1986. Les échos avec les affaires qui ont secoué les médias et la rue de l’Hexagone depuis 20 ans et plus sont manifestes. L’usage de la force par la police fait écho, là aussi, à des fissures judiciaires, sociales, politiques, économiques. Le festival lillois a, pour sa première édition post-Covid, empoigné ses questions avec une programmation dense qui laissait filtrer leur urgence.
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