Les enfants s’ennuient le dimanche

Des 31 nouvelles composant le recueil Collected Stories pour lequel l’autrice phare du New Yorker Jean Stafford recevra le prix Pulitzer en 1970, les éditions do ont choisi huit histoires. De facture classique de prime abord, mais travaillées par l’intranquillité et la désillusion, elles sont un éblouissement. La Fin d’une carrière raconte l’itinéraire noir, cruel et cinématographique (on pense à Max Ophuls) d’une femme prise au piège de sa trop grande beauté. La très sociologisante Les enfants s’ennuient le dimanche étudie les projections et les sentiments de honte d’une fille à la marge de la scène intello- artistique new-yorkaise le temps d’une déambulation, un dimanche d’hiver, au Metropolitan Museum of Art. Dans J’aime quelqu’un, une Jenny Peck vieillissante examine la manière dont ses amies ont été au chevet de son célibat depuis leurs mariages respectifs. Quant au Traineau, histoire d’un couple dont l’installation à la campagne coïncidera avec le délitement tacite, elle évoque La Bête dans la jungle de Henry James. Rien de moins. Dans chacune des histoires, où quelque chose tremble et ne s’accorde pas, se dessinent les angoisses et compromis auxquels des femmes insubordonnées (non mariées, sans enfants ou âgées) font face dans l’Amérique d’après-guerre. Évoquant aussi Tchekhov, Jean Stafford sait décidément mettre des mots sur la solitude et les élaborations de l’âme. Elle mourra en 1979, léguant la presque totalité de son héritage à sa femme de ménage.

De Jean Stafford, éditions do, traduit de l’anglais (états-Unis) par J.-G. Chauffeteau et V.Béghain, 208 pages.

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