Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

DOCUMENTAIRE DE MORGAN NEVILLE.

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Tout le monde a déjà un jour chanté avec elles. Elles sont de toutes les collections de disques. Ont participé aux tubes les plus mythiques. Et pourtant. Si on connaît leurs voix, on ignore à quelques exceptions près leurs noms. Cindy Mizelle, Janice Pendarvis, Judith Hill ou encore Gloria Jones sont choristes. De ces filles qui, dans l’ombre des studios et à l’arrière des podiums, ont écrit à leur manière, forcément discrète, l’Histoire de la musique. Entonnant un petit Doo, doo-doo, doo doo doo doo sur le Walk on the Wild Side de Lou Reed ou hurlant It’s just a show away sur le Gimme Shelter des Stones. Elles méritaient un hommage. Morgan Neville le leur a rendu. Et de manière éclatante puisque 20 Feet From Stardom recevait l’an dernier l’Oscar du meilleur film documentaire. Réflexion lucide et bienveillante sur la cruelle condition de choriste, il raconte ces héroïnes souvent restées anonymes qui ont pour quelques dollars accompagné les Talking Heads, Ray Charles, Neil Young, T-Rex, Led Zep, Joe Cocker et les autres dans les plus grands studios, stades et salles… Ces filles aux timbres de velours qui ont participé pour pas grand-chose aux disques les mieux vendus. Parfois même aux films les plus regardés, à l’image de cette Waters Family que pratiquement personne ne connaît mais qui figure aussi bien au casting de Thriller qu’à ceux du Roi Lion et d’Avatar. « Si j’avais réussi, avec genre des millions de dollars, je ne serais pas assise là à vous parler. J’aurais fait une overdose quelque part », avoue Tata Vega, qui a à la fois mené une carrière solo et joué les choristes, notamment pour Madonna. C’est que toutes n’étaient pas faites pour le succès. Toutes ne l’ont d’ailleurs pas non plus cherché.

Rythmé par les interventions de ses héroïnes mais aussi par celles de Bruce Springsteen, Stevie Wonder, Mick Jagger ou encore Sting, 20 Feet from Stardom mêle la petite et la grande Histoire. Darlene Love s’y souvient des choristes blanches qu’on appelait les liseuses. « Parce qu’elles ne faisaient rien d’autre que chanter droit. » Et raconte sa relation avec Phil Spector… Merry Clayton se voit encore embarquée enceinte, dans sa chemise de nuit rose, pour aller chanter avec les Stones… Là où d’autres soulignent le comportement de proxénète d’un Ike Turner, la liberté que leur offrit le rock’n’roll, ou du moins certains rockeurs, et les difficultés rencontrées par le métier après l’apparition des home studios… Sing along.

JULIEN BROQUET

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