La guerre des boutonneux – Les beaux gosses prend les clichés à rebours pour s’attacher à deux ados quelconques, empêtrés dans des problèmes de leur âge et hors du temps.

De Riad Sattouf. Avec Vincent Lacoste, Anthony Sonigo, Alice Tremolières. 1 h 30. Sortie: 24/06.

D’emblée, le ton est donné. Avisant un de leurs condisciples roulant un patin à une jeune fille, deux ados ne peuvent qu’observer, mi-médusés, mi-admiratifs: « T’as une meuf toi? Tu fais des trucs avec elle? » Ces deux ados, ce sont Camel et Hervé, un brin losers mais pas (trop) pathétiques pour autant, le visage dévoré par une acné galopante et l’esprit accaparé par des préoccupations de leur âge. Soit, dans le désordre, les gonzesses – ils vont de déconvenue en déconvenue -, la branlette – Ha!, le catalogue La Redoute – et, accessoirement, la musique, métal pour l’un, rap pour l’autre.

Deux gamins quelconques, en somme, auxquels le film de Riad Sattouf emboîte le pas dans leur quotidien qu’ils partagent encore entre l’école et leur environnement familial, le schéma d’ensemble suivant une forme de routine que vient un jour perturber l’entrée dans le champ de la jolie Aurore. Contre toute attente, celle-ci en pince en effet pour Hervé, guère faraud sur ce coup-là…

Mise à plat

Premier long métrage du bédéiste Riad Sattouf, Les beaux gosses s’inscrit dans la continuité d’une £uvre qui, de Retour au collège à La vie secrète des jeunes, a fait de l’adolescence l’un de ses terrains d’exploration privilégiés. En retrouvant le ton, l’auteur ajoute à un sens aiguisé de l’observation un désir manifeste d’évoluer à rebours des clichés. A l’opposé, en effet, des représentations de l’âge ingrat ayant généralement cours sur grand écran, Sattouf privilégie une savoureuse mise à plat d’une réalité judicieusement filmée à hauteur d’ado. Et de balader le spectateur au gré des états d’âme de fort ordinaires antihéros, entre atermoiements multiples et élans impérieux, plantages lamentables et tourments passagers, dans une chronique réhabilitant la figure par trop malmenée de l’ado boutonneux, et trouvant dans le naturel des protagonistes un surcroît de vérité.

C’est là l’un des charmes d’un film qui circonscrit, pour une bonne part, son enjeu à la transmission des émotions de l’adolescence – ce qui n’est, du reste, pas une mince affaire. Ce faisant, Les beaux gosses accède à un cadre universel et atemporel, souligné, d’ailleurs, par l’absence complète de signes distinctifs de l’époque, n’était, bien sûr, le langage. Si bien que, dignes et surtout drôles représentants d’une période de la vie que l’on appelle aussi l’âge bête, Camel, Hervé et Aurore ont cette faculté rare de parler à chacun d’entre nous. Et de raviver les échos amusés d’un temps passé, encore que peut-être pas totalement révolu: en certains adultes, il y a un adolescent qui sommeille, comme semblent vouloir nous le rappeler ceux qui, à l’instar de Noémie Lvovsky et Irène Jacob, peuplent le film. Perspective qui, à l’aune de ces Beaux gosses, vaut constat plus que fatalité…

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Jean-François Pluijgers

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