Les aventures du Prince Marrant

© PHILIPPE CORNET

« Et si Didier Super était la réincarnation du Christ? », questionne la pub du spectacle affublé de l’appellation « comédie musicale » . Le 24 janvier, le show  » minable, décevant et mysogyne », selon le propre slogan de Super, ne remplit pas le Cirque Royal. Sur la scène qui a connu Béjart ou Roxy Music, le natif de Douai -bled de 40 000 personnes en France ch’ti- propose son musical. A priori un contre-emploi génétique pour ce quadra de 1973, bourlinguant depuis une quinzaine d’années un numéro, souvent solo, de Deschiens punkoïde. Son absurde est de nature provoc engagée, un peu comme si Mélenchon avait grandi dans le charbon nordiste en écoutant les Bérus tout en ratant son bac en Desproges. Raccord avec cette hybridité franchouilleuse, Didier -Olivier Haudegond pour l’État- débarque en short blanc et sous-pull rose trop court devant le public gondolé du Cirque. Dévoilant des poignets d’amour et un look proto-SDF qui ferait passer François Pirette, qu’il évoque vaguement, pour Yves Saint Laurent. À ses côtés, un décor. Le mot s’avère prétentieux pour un mic-mac de brolitudes: matelas, machin gonflable, podium de fête d’école, plastoches et déguisements de fin de soldes, dont un costume d’ours blanc. Et un promontoire permettant à Monsieur Super de dévoiler la conduite en pente raide d’un BMX, l’un de ses talents notoires. Ses acolytes, deux choristes, une section rythmique et un type cantonné au rôle de simplet, font chauffer la salle et la colle musicale binaire, très punk amateur 1977. Avec, notons-le aussi, des chorégraphies de troisième maternelle. L’ensemble est foutraque, graine d’anar, drôle -parfois moins-, borderline, d’un mauvais goût endémique, mais peut difficilement passer pour une comédie musicale . Au sens où Michel « Starmania » Berger ne se retournerait pas dans sa tombe.

Payé pour dire du mal

Après la performance, Super s’explique:  » C’est une histoire avec des chansons et des cons qui dansent, donc c’est une comédie musicale! On a eu une prof de danse au début mais on avait tous 35-37 ans, donc trop tard…. J’ai commencé l’écriture de la chose en 2008, et j’ai fait lire le pitch à mon producteur. Du coup, je n’avais plus de producteur donc, on l’a faite sans tune, on s’est démerdé. On l’a tournée pendant huit ans mais il y a très rarement eu des institutionnels, des gens avec de l’argent public qui voulaient la faire découvrir à leurs abonnés. On n’a existé que par la billetterie, pas par les subventions: les programmateurs disaient que s’ils montraient ça à leurs élus, ils se feraient virer! Il n’y en a qu’un qui a bien voulu la faire mais c’était parce que l’année d’après, il partait de toute façon à la retraite (rires). Je pense que les comédies musicales qui ne dérangent personne ont toutes été faites, donc c’est pas mal d’ajouter un petit ingrédient. Le théâtre, c’est toujours politique à partir du moment où tu déranges. La politique? En France, je pense que le gouvernement n’écoute juste pas les conditions que lui-même crée, mais là, il pédale dans la choucroute. Et je pense que le mouvement Gilets Jaunes doit être européen et même mondial. Au final, le seul moteur de tout ça, c’est mon envie. Et le fait peut-être de « conforter » l’intuition des gens sur un certain état des lieux. Faut pas oublier que je suis payé pour dire du mal, rien d’autre. »

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