QU’ELLE ARBORE LE CHEVEU BLEU OU UN JUSTAUCORPS BLANC, DE LA VIE D’ADÈLEEN GRAND CENTRAL, ELLE FAIT LA NOUVELLE DÉMONSTRATION D’UN TALENT PLURIEL. LÉA, C’EST TOUT.

Elle aura électrisé les écrans du 66e festival de Cannes -pour se voir d’ailleurs, au même titre que sa partenaire, Adèle Exarchopoulos, associée par Steven Spielberg à la Palme d’or octroyée au film d’Abdellatif Kechiche. Léa Seydoux y est, il est vrai, sensationnelle, tout comme, d’ailleurs, devant la caméra de Rebecca Zlotowski, qu’elle retrouvait trois ans après Belle épine. « La connexion est très forte, sourit-elle, s’agissant de la réalisatrice de Grand central, romance nucléaire qui l’associe à Tahar Rahim (lirepage 28). Nous sommes tout à fait compatibles: elle a le cerveau, et moi le coeur. C’est une intellectuelle, alors que je suis plus instinctive. Je comprends totalement ce qu’elle veut dire et je sais comment l’exprimer. »

Si l’on ne parlera pas encore d’aboutissement -elle n’affiche jamais que 28 printemps, après tout-, il y a, en tout état de cause dans ces deux films, une nouvelle démonstration d’un talent qu’elle a aussi exceptionnel que pluriel. Tôt adoubée par la crème du cinéma d’auteur français, de Bertrand Bonello (De la guerre) à Christophe Honoré (La belle personne), Léa Seydoux a su, dans le même temps, s’attirer les faveurs du cinéma hollywoodien, apparaissant aussi bien dans le Inglorious Basterds de Quentin Tarantino que dans des blockbusters façon Robin Hood de Ridley Scott ou le Mission: Impossible de Brad Bird. Ce qui s’appelle avoir des affinités éclectiques: « J’aime le cinéma américain, c’est une autre manière de faire des films. J’aime quand le corps traduit quelque chose, et il se trouve que dans le cinéma français, c’est plutôt la tendance inverse –réflexion qu’elle assortit d’un geste traduisant un bavardage intempestif. Dans le cinéma américain, on joue avec son corps, et c’est quelque chose que j’apprécie. » Mais si elle se montre à l’aise sur tous les terrains, ses élans n’en continuent pas moins à la porter prioritairement vers les auteurs –« Mes choix sont définitivement orientés par les réalisateurs, opine-t-elle. La rencontre avec quelqu’un, et le regard qu’un réalisateur va porter sur vous, c’est l’essentiel. »

Une féminité différente

Sa filmographie est à cet égard éloquente, qui aligne encore les noms de Raoul Ruiz, Woody Allen, Benoît Jacquot et autre Ursula Meier -cette dernière pour L’enfant d’en haut, assurément l’un de ses rôles marquants. « J’aime travailler avec des femmes, relève-t-elle. Tant avec Ursula qu’avec Rebecca, un lien très fort s’est créé parce qu’elles ont su voir qui j’étais afin de travailler avec moi. Il est bon qu’il y ait un point de vue féminin dans l’art. L’industrie du cinéma a changé: on y voit une féminité différente d’il y a quelques années. » L’invite-t-on à préciser sa pensée qu’elle évoque une dimension plus virile –« les hommes deviennent plus féminins et les femmes plus masculines »; postulat à rapprocher de son appétence affirmée pour les personnages de battantes. Ainsi de la Karole de Grand central, ouvrière du nucléaire concentrant énergie et sensualité, et qu’elle habite avec un naturel déconcertant –« j’aime jouer des personnages qui me paraissent éloignés de moi, même si je ne sais pas vraiment qui je suis », évalue-t-elle.

Electron libre, l’Emma de La vie d’Adèle irradie pour sa part quasi littéralement, encore que l’expérience lui ait, à l’évidence, laissé des sentiments ambivalents –« je voulais vivre quelque chose de fort, éprouver certaines émotions, mais ce fut vraiment très dur. Travailler avec Kechiche, c’est plus que simplement tourner un film. Il faut être totalement investi, et le film a absorbé tout mon temps pendant un an. Je ne suis pas sûre que je serais prête à le refaire. » L’avenir lui appartient, de toute façon, qui prendra dans un premier temps les contours de The Grand Budapest Hotel, de Wes Anderson, et de La Belle et la Bête, de Christophe Gans. Vous avez dit conte de fées??

RENCONTRE Jean-François Pluijgers

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