Le Tiroir a un bon fond

Les éditions du Tiroir déterrent de nombreux récits trop vite oubliés, comme ces histoires complètes et étranges de Benoi, avant-gardistes il y a 30 ans.

Ce sont des images qui ont marqué le gamin que j’étais. Tous les amateurs d’images et de BD possèdent les leurs: des cases, séquences, planches et images qui sont restées plus que d’autres dans la rétine, et auxquelles on se surprend à repenser, souvent, tant elles étaient « différentes » et inédites dans le flux d’images qui nous passent sous les yeux, et surtout synonymes d’autres possibles. Pour votre serviteur, bon lecteur du magazine Spirou, ce furent des pages du Mad auxquelles je ne comprenais rien, le Franquin des Idées noires et puis des auteurs et récits complètement atypiques pour ledit magazine, comme ces histoires de Benoi: une atmosphère anxiogène, un trait tremblant, haché, presque « jeté », un rythme et des couleurs qui tranchent avec le reste… Des récits publiés entre 1984 et 1986, avant-gardistes pour le gamin que j’étais et le Spirou de l’époque, enfin regroupés dans un album. Lequel, comme la plupart des productions du Tiroir, sonne désormais vintage voire nostalgique.

Le Tiroir a un bon fond

Vieilles canailles

Un gamin à qui un nain en bois vient annoncer l’Apocalypse. Un autre gamin qu’il ne faut surtout pas regarder dans les yeux. Un vieil homme capable de peindre des paysages qu’il n’a jamais croisés. Un oncle marin rattrapé par ses histoires de pirates… Autant de récits aux frontières de l’étrange, du fantastique et de la réalité qui ne connurent pas de suite dans les années 80 mais que les éditions du Tiroir exhument donc aujourd’hui, comme elles l’ont déjà fait avec des récits du grand Cossu et comme avec à peu près tout le contenu de leur revue trimestrielle L’Aventure, cornaquée par Alain De Kuyssche (rédac’ chef de Spirou en… 1980), le reste étant assuré par le surproductif Alain Taymans, dont le style certes plus contemporain ne dénote pas avec le reste. Une bande de joyeux vieux mâles blancs belges un peu anachronique (et qui fête en grandes pompes le 50e anniversaire de Natacha dans la dernière édition de L’Aventure), mais qui pour l’instant a déniché le meilleur de ses fonds de tiroir, et redonne un coup de fouet à des carrières parfois trop discrètes. Ainsi Benoi, alias le Bruxellois Benoît Lacroix, qui aura fait l’essentiel de sa carrière dans l’illustration et les livres jeunesse, mais qui semble repiquer au virus BD grâce sans doute à cette petite résurrection: le dernier récit de cette compilation, Le Diable au presbytère, est lui inédit, visiblement plus récent (rien n’est daté dans l’album!), mais de superbe facture.

Mao et autres scènes anormales du quotidien

De Benoi, éditions du Tiroir, 64 pages.

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