Le Tiers Temps

Dans le quatorzième arrondissement de Paris, une maison de retraite baptisée Le Tiers Temps. Parmi les résidents, Monsieur Samuel Beckett himself, 83 ans, dénutri, grosses lunettes de hibou, attend quelque chose, on sait trop bien quoi. « On croit toujours que ça file, mais c’est interminable. Combien de temps tout cela va-t-il encore durer? » Devant la fenêtre, une table pour écrire, un téléphone couleur crème. C’est à peu près tout. Dans le jardin, le gazon est en plastique vert antidérapant: « (…) je tremble de me faire attraper. Que l’on me dise: Monsieur Beckett, je vous aide un peu. Que l’on m’attrape par le bras, comme si j’étais une vieille tante que l’on promènerait dans le jardin. À qui l’on montrerait les fleurs. » Assigné à résidence dans le refuge des souvenirs, le dramaturge vitupère en silence, se réécrit en français. De sa compagne Suzanne, de son amitié avec James Joyce, de sa mère, de sa langue, un anglais plein d’Irlande mêlé au français de son exil littéraire, il n’a jamais guéri. Osons un diagnostic: dans ce premier roman, Maylis Besserie affiche tous les symptômes moteurs d’une grande écrivaine. Entre chien et loup, un livre mordant sur le couvre-feu du grand âge, sur l’homme à sa table de travail, à son chevet, pour des temps confinés, inexorablement. Superbe.

De Maylis Besserie, éditions Gallimard, 184 pages.

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