Le Temps du paysage

L’oeuvre philosophique de Jacques Rancière, une des plus amples et des plus subtiles de notre temps, est d’abord celle de quelqu’un pour qui l’évidence de notre regard et des catégories qui l’informent ne l’est pas du tout. Qu’il s’agisse de s’intéresser à la voix des prolétaires, à la manière dont la politique est d’abord partage des parts ou ou à la manière dont l’art, dans la modernité, a contribué à dessiner un espace de perception qui se concentrait sur ce qui était exclu de notre vision ordinaire, ce à quoi il n’a cessé de dévouer ses efforts est toujours la réintégration du hors-cadre, du dehors, des laissés-pour-compte. Mais ce qui est à la fois une préoccupation politique et esthétique repose aussi, chez Rancière, sur des passions privées, à propos desquelles il s’est longtemps retenu de s’exprimer, à commencer par celle du jardinage. Avec Le Temps du paysage, toutefois, il a trouvé un moyen de l’affronter sans la révéler, à travers une analyse puissante et belle du rôle joué par les jardins dans la pensée de la fin du XVIIIe siècle, au moment où s’opèrent les grandes révolutions politiques et esthétiques qui mènent à nous. Bien loin de n’être qu’un passe-temps, l’art des jardins s’y manifeste comme le révélateur d’une manière de cultiver le monde, les peuples et les institutions dont les règles sont tout sauf décoratives. Car la question qui l’anime n’est autre que celle-ci: comment unifier le divers?

De Jacques Rancière, éditions La Fabrique, 128 pages.

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