Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

UN DOCU PASSIONNANT REVIENT SUR LA CONCEPTION DE Graceland, CHEF-D’OUVRE DE PAUL SIMON, ENREGISTRÉ EN AFRIQUE DU SUD. EN PLEIN APARTHEID…

Début des années 80. En Afrique du Sud, Nelson Mandela est toujours en prison. L’apartheid tient bon, plus vicieux que jamais. Aux Nations Unies, un boycott, notamment sportif et culturel, est mis en place. C’est ce moment que choisit Paul Simon pour s’envoler vers… Johannesburg et enregistrer ce qui reste toujours l’un de ses chefs-d’£uvre, en même temps que son principal carton commercial: Graceland.

Vingt-cinq ans plus tard, l’album a évidemment droit à son lot de commémorations. Il y aura donc une ressortie en bonne et due forme, ainsi qu’une tournée qui passera par Forest National, le 17 juillet. Mais ce n’est pas tout: l’anniversaire est aussi l’occasion d’un documentaire, Under African Skies, qui revient sur le making of de l’album culte. Sans négliger la controverse qu’il a suscitée à l’époque. La question est même au centre du film. Si à l’époque les premières critiques musicales se sont d’abord emballées sur la fusion entre la pop et la musique sud-africaine proposée par Graceland, très vite, d’autres voix se montreront plus sceptiques. De quel droit Simon a-t-il en effet brisé le boycott imposé à l’Afrique du Sud? En Europe, la tournée est régulièrement l’objet de manifs devant les salles, une grenade est même dégoupillée…

Candide

Pour raconter l’épopée Graceland et ses enjeux, on peut compter sur Joe Berlinger. Avec Some Kind of Monster, le réalisateur avait notamment déjà réussi à mettre à nu un groupe comme Metallica en disséquant ses tourments les plus tragicomiques. Ici, il repart avec Paul Simon en Afrique du Sud, retrouvant la plupart des protagonistes de l’époque. Y compris Dali Tambo, fondateur d’Artists Against Apartheid qui, à l’époque, avait condamné l’initiative de Simon. Les deux hommes se retrouvent 25 ans plus tard sur le même divan et confrontent leurs histoires. Le happy end est dans l’air. Mais cela n’empêche pas la discussion et le débat, passionnants. « A ce moment-là de notre histoire, ce n’était pas une bonne idée », persiste Tambo. Paul Simon:  » J’ignorais pas mal de choses à l’époque« , le songwriter avouant tout de même avoir reçu le conseil d’Harry Belafonte de prévenir l’ANC de son initiative, avant de se rendre sur place. Ce qu’il n’a jamais fait… Irrésistiblement attiré par la musique sud-africaine, Simon pensait naïvement pouvoir isoler la musique de son contexte politique. C’était évidemment impossible. Ce qui ne veut pas dire que les chansons devaient s’incliner. Les morceaux de Graceland, longuement disséqués, montrent en effet le contraire, prouvant à quel point la musique est capable de sublimer une situation, la faire exploser.

Conclusion: il n’y aura jamais de réponse simple au débat. En cela, on pourra toujours pérorer à l’infini sur le rapport entre musique et politique. Ou simplement regarder Under African Skies.

UNDER AFRICAN SKIES EST DIFFUSÉ CE VENDREDI 1er JUIN SUR LA TROIS. IL SERA ÉGALEMENT PROJETÉ AU BEURSSCHOUWBURG, À BRUXELLES, LE 6 JUIN.

Laurent Hoebrechts

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