Pierre Niney en pompier: « La préparation du film m’a bouleversé »
Pierre Niney joue les pompiers martyrs dans Sauver ou périr. Un nouveau défi, superbement relevé!
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Il n’a plus de visage, suite à l’incendie où il s’est sacrifié pour sauver ses collègues pompiers. Franck est seul, fou de douleur physique et morale sous la brûlure intense. Derrière le masque protecteur qu’on lui pose, remplaçant les pansements, il va devoir réapprendre à vivre, à communiquer… Le personnage offert à Pierre Niney lui fait relever un nouveau défi. Et comme pour La Promesse de l’aube, porter un maquillage astreignant. Le jeune comédien français le plus doué de sa génération est une fois de plus passionnant dans un rôle difficile. Franck, il a tout de suite eu très envie de l’interpréter. « Le scénario m’avait bouleversé, explique Niney. J’étais très ému par ce jeune homme qui a tout pour lui et dont la vie va basculer en une seconde. J’aimais aussi beaucoup l’universalité d’un film évoquant la résilience, comment après un accident, une épreuve, on peut toujours trouver la force de se relever, de se réinventer complètement. La quête d’identité aussi, le passage sans transition de l’héroïsme à la monstruosité. Il y avait là de grands sujets pour le cinéma. »
Le rôle de Franck, Pierre l’a attaqué par le versant physique: « Je me suis beaucoup entraîné, j’ai dû prendre dix kilos. J’aime ça, l’entrée par le physique, plutôt que par la psychologie. Le cinéma est un monde où l’image est toujours plus forte que les mots. Donc la façon qu’a un personnage de se mouvoir, d’accomplir ses tâches, de faire son métier le définit en même temps qu’ils définissent son quotidien. La juste gestuelle est une composante importante, pour nous acteurs -car il faut incarner, et avoir confiance en nos capacités à le faire- mais aussi pour les spectateurs, et ce tant consciemment qu’inconsciemment. On suit d’autant plus et mieux un personnage sur l’écran qu’on ressent bien les mouvements de son corps. »
Niney est un acteur brillant, on le sait. Il est aussi très intelligent, évitant par exemple de faire du maquillage de Franck défiguré un véritable enjeu. « C’est un peu ingrat pour les maquilleurs, qui ont travaillé 150 heures rien que sur ça, et à qui je disais de… tout faire pour que les gens n’y pensent pas! Je passais au maquillage trois heures et demie chaque matin, et il fallait que ça reste invisible. Invisible dans le sens où l’on doit rester concentré sur les enjeux, l’émotion, les yeux de l’acteur, et ne jamais se poser de question sur le maquillage. »
Nouvelle perspective
Jouer un personnage seul, isolé du monde, le comédien l’a accompli aussi en s’isolant le plus possible durant le tournage. « Ce n’est pas une méthode, plutôt une manière naturelle de créer les conditions nécessaires, commente-t-il. Je l’avais déjà fait pour Yves Saint-Laurent, où j’avais ressenti le besoin d’espace. C’est dur, quand on est aussi totalement dans la tête d’un personnage, d’avoir une vie sociale à côté. J’ai eu besoin de quelques mois avant, puis de quelques mois après, mais aussi bien sûr du tournage, pour pouvoir me consacrer entièrement à Franck. » La préparation de Sauver ou périr a permis à Niney de vivre pendant de longues semaines avec les sapeurs-pompiers d’une caserne parisienne, de « partager leur attente nocturne et puis aussi, surtout, partir avec eux en intervention, quand l’alerte est donnée et que vous foncez vers les lieux d’un incendie, d’un accident sur la voie publique, vers des situations d’urgence, de détresse, une overdose, quelqu’un qui veut se jeter d’un balcon…«
Montaigne écrivait dans ses Essais, vers la fin du XVIe siècle, « je n’ai pas plus fait mon livre que mon livre m’a fait« . Pierre Niney aime cette phrase et en partage la résonance. « J’espère à chaque film que le rôle va me faire moi, autant si pas plus que je ne le ferai, lui! C’est comme ça que je les choisis, déjà. Évidemment tout le monde n’est pas Montaigne, alors il y a certaines fois où ça marche mieux que d’autres (rires )… Sauver ou périr est, je crois, celui de mes films qui m’a laissé le plus de choses. La préparation m’a bouleversé, m’a fait changer l’ordre des priorités dans ma vie, relativiser beaucoup de choses. Vivre avec ces très jeunes gens qui vont secourir la population, rencontrer des grands brûlés, m’a offert une nouvelle perspective sur la vie. J’espère que le film aura ce pouvoir sur le spectateur. Il fait la juste balance entre l’émotionnel et le pudique. Pour moi, il remplit sa mission.«
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