LES QUATRE JEUNES DUBLINOIS ÉNERVÉS MAIS BIEN ÉDUQUÉS DE GIRL BAND SECOUENT LES OREILLES D’UN PREMIER ALBUM RADICAL, SUFFOCANT ET ANXIOGÈNE.

Huis 23. La salle intime où l’Ancienne Belgique programme ses petits concerts pointus et gratuits, et ses documentaires sur Elliott Smith. Descendus en ville défendre un premier album agressif et viscéral, Holding Hands with Jamie, qui pousse le souffle à bout et a l’ambiance joyeuse d’un tunnel de gare à trois heures du mat’, les Irlandais de Girl Band ont causé toute la journée mais tiennent toujours le crachoir avec bonne humeur. « Jamie (Hyland de son nom de famille, NDLR) est un vieux pote à nous. Ce sont ses empreintes digitales sur la pochette du disque. Holding Hands, empreintes digitales, Jamie… Tu saisis? Il est impliqué dans tous nos enregistrements. Nous avons été à l’école ensemble. C’est le mystérieux cinquième membre du groupe… » Quand on sait que Girl Band a commencé en plagiant les Strokes, on ne peut s’empêcher de penser à Gordon Raphael. Le gourou de Julian Casablancas et de ses potes en slims à qui certains attribuèrent d’ailleurs jadis l’écriture de leurs morceaux… Les deux complices se marrent. Demandent si les Hives ont été choisis sur casting comme le veut la légende. Rien de manufacturé ici. Juste l’histoire d’une bande de vieux copains qui ont commencé leurs méfaits en tournant des vidéos débiles façon Jackass. « On a fait un tas de conneries, avouent le guitariste Alan Duggan et le chanteur/parleur/ hurleur Dara Kiely. On était juste pathétiques. Quel âge on avait? On était déjà trop vieux. Quand on a arrêté de faire les gugusses, comme on n’avait pas grand-chose à foutre, on a créé un groupe. »

La première incarnation (ou plutôt le plus lointain ancêtre) de Girl Band s’appelle Harrows. « Daniel (Fox, NDLR) était LE bassiste de l’école, se souvient Duggan. Foxy savait jouer les Red Hot Chili Peppers. Ça faisait un peu de lui le Flea de Dublin… Je lui ai proposé de monter un groupe et comme on n’y connaissait pas grand-chose, on s’est mis en tête d’accoupler le singer songwriter irlandais Fionn Regan et les Pixies… »

Kiely les rejoint à la batterie. Le groupe est un désastre ambulant. « On ne savait pas jouer. A peine écrire des chansons. Notre plus grande ambition était de donner des concerts en dehors de Dublin. »

La gueule dans un coussin

Girl Band devient Girl Band quand Dara Kiely se met à éructer lui-même ses textes souvent très personnels. A l’époque, le garçon est timide. Emprunté. L’antithèse du névrosé qui crache aujourd’hui sa rage sur scène… « Je leur ai dit: « Si je ne suis pas un bon chanteur et que vous trouvez un meilleur batteur, s’il vous plaît, ne me virez pas du groupe… » »

Aussi rock, tendu, teigneux soit-il, le projet se fait remarquer avec Why They Hide Their Bodies under My Garage, la reprise d’un titre techno crade de Blawan. Une cover angoissante et brutale. « Un label irlandais demande à des groupes locaux de réinterpréter des chansons sorties durant l’année pour en faire des compils. Jamie, le mec dans le titre de notre disque, a un projet techno qui s’appelle Peaks et nous a suggéré une reprise de Blawan. C’était en 2012. Trois mois après, un website l’a relayée. Un mec de la BBC radio nous a repérés, Quietus a embrayé. Tout s’est gentiment emballé. »

De bonne humeur, calme et bien élevé, Girl Band semble à l’opposé de ce que sa musique dégage. Duggan, qui bosse dans un take-away, a terminé ses études en business et sociologie l’année passée. Kiely, qui n’a ni fric ni boulot, a étudié art et business. « Le fonctionnement de l’industrie du cinéma, de la musique… J’ai obtenu mon diplôme la veille qu’on signe chez Rough Trade. »

Quand on lui dit que sa voix ne tiendra pas longtemps comme ça, le fan de Liverpool explique que sa soeur est prof de chant. « Elle m’a donné des conseils, soufflé des exercices. Des trucs assez humiliants en fait que je pratique sur les parkings… Genre chanter la gueule dans un coussin.  »

Girl Band connaît mal les Liars et Mclusky auxquels il est parfois comparé. Il aime par contre le côté agressif de James Chance, de ses Con- tortions et de The Fall (dont il est le descendant), le hip-hop de Kendrick Lamar et le cinglant People of the Earth de Graham Coxon. Puis, la pulsation des musiques électroniques et l’honnêteté d’un Jonathan Richman.

« Je me suis pris la tête avec mes textes, termine Kiely. J’étais vraiment obsédé par tous mes problèmes au moment de leur écriture. Nous ne sommes pas des excités ou des violents. Il y a une petite scène punk à Dublin, mais on ne la connaît pas du tout. On peut sonner radical. Nous, on vient davantage de l’indé que de l’anti-establishment. C’est un monde différent. Le punk, on en a juste un peu l’esprit. » Si Fuckingbutter n’est pas un foutage de gueule adressé à Johnny Rotten (« notre batteur est juste accro aux biscuits; il ne bouffe que ça!« ), Baloo est bien un clin d’oeil au Livre de la jungle. « Notre morceau swing. » Ames sensibles s’abstenir…

HOLDING HANDS WITH JAMIE, DISTRIBUÉ PAR ROUGH TRADE.

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LE 20/10 AU BOTANIQUE, LE 21/10 AU KREUN (COURTRAI) ET LE 14/11 À LA PÉNICHE (LILLE).

RENCONTRE Julien Broquet

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