De Michael Haneke. Avec Ulrich Tukur, Christian Friedel, Leonie Benesh. 2 h 24. Dist: Twin Pics.

Justement récompensé de la Palme d’or en mai dernier, Le Ruban blanc constitue aussi l’aboutissement provisoire de la longue histoire qui unit Michael Haneke au festival de Cannes. Le réalisateur autrichien avait en effet présenté Le Septième continent, son premier long métrage, à la Quinzaine des réalisateurs, en 1989, avant d’avoir les honneurs de la compétition pour Funny Games, Code inconnu, La pianiste (Grand Prix et double prix d’interprétation), et Caché(Prix de la mise en scène en 2005).

Le Ruban blanc a pour cadre un village protestant d’Allemagne du Nord, à la veille de la Première Guerre mondiale. Aussi inattendus qu’inexplicables, différents incidents plongent d’autant plus la petite communauté dans l’émoi qu’ils ressemblent à un rituel punitif. Tandis que l’on s’emploie, maladroitement, à en identifier les responsables, la peur étend son emprise sur ce monde de faux-semblants, dont le film viendra nous dévoiler la réalité en une succession de tableaux saisissants, entre ordre féodal et humiliations ordinaires.

Au détour de cette éblouissante chronique, Michael Haneke ne s’intéresse rien tant, en effet, qu’aux ressorts sous-jacents à l’£uvre dans une société qu’il passe au scalpel de sa caméra, et d’un noir et blanc aussi lumineux que glaçant. Ce, pour révéler un monde ajoutant à l’hypocrisie morale un mode de conditionnement que l’on ne saurait mieux qualifier que de pervers -la génération d’enfants qui occupe massivement l’écran est celle qui, 20 ans plus tard, embrassera l’idéologie nazie. « Dès qu’on érige un idéal en règle absolue, on le rend inhumain. C’est en quelque sorte la racine de toute forme de terrorisme », explique notamment le réalisateur dans un excellent making of, donnant la mesure d’un propos qui le voit investir le passé pour mieux appréhender les incertitudes présentes. Démarche qui résulte en un film qui est à la fois parabole pénétrante sur le mal et ses origines, et accomplissement esthétique majeur. Un authentique chef-d’£uvre que complètent encore un passionnant portrait du cinéaste et un document retraçant le parcours cannois du film. Indispensable.

Jean-François Pluijgers

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