actrice et chanteuse, Emmanuelle Seigner sort un Dingue crypto-pop nimbé d’un optimisme blindé. Comme dans sa vie qui, malgré les circonstances troubles de l’enfermement de son mari, se veut conjuguée au soleil.

Il ne nous avait jamais été donné de rencontrer une chanteuse dont le mari est actuellement prisonnier de son propre châlet suisse sous accusation d’un délit sexuel datant de 33 ans. Le mari, c’est bien évidemment Roman Polanski, 76 ans, et la mariée, Emmanuelle Seigner, 43 ans, mère de leurs 2 enfants communs de 12 et 17 ans. On aime moyennement son album mais la fille, à trempe, nous intrigue par son aplomb général. Après une première expérience wock’n’woll musicale en 2007 avec Ultra Orange, là voilà dans des sphères musicales moins graisseuses. Sauf que le parfum de scandale polanskien rameutant les médias de toutes sortes, nous voilà confiné dans une pièce avec 20 minutes -top chrono- de face to face. En doudoune vert olive, la belle brune dégage une sorte d’ingénuité et de charme de velours. Une seule solution: tendre la papatte.

Quelle était l’intention en sortant cet album, Dingue?

Qu’il fasse du bien aux gens, qu’il soit gai, pop, frais et, en même temps, qu’il ait des chansons profondes, même s’il ne faut pas attendre le message du siècle. C’est un disque qui parle beaucoup d’amour.

J’ai lu que vous aviez une relation passionnelle avec le rock -votre fils s’appelle Elvis… On pouvait donc s’attendre à un disque plus rock, non?

Je voulais faire un album en français, je suis de souche française, mon grand-père était à la Comédie Française, originaire d’une famille paysanne de Lyon: depuis l’âge de 5 ans, j’ai vu tous les grands classiques. Et le rock n’est pas facile avec le français. Au début, j’avais en tête un disque de country, le titre Alone à Barcelone a une inspiration à la Nancy Sinatra…

Il y a quand même La dernière pluie, une ballade en duo avec Iggy Pop qui chante en français…

J’aime mélanger les genres: avoir Iggy Pop qui est le plus rock du rock mondial (sic) et lui faire chanter une chanson de crooner en français, une ballade d’amour. Mais rock, c’est la personnalité qui le fait ou pas, non? Tu as du noir aux yeux ou un cuir et t’es rock? C’est débile. Je ne recherche pas le côté sexuel, je ne le cultive pas, je me sens plus comme un garçon à l’intérieur…

Drôle de garçon: pourquoi s’attache-t-on dès lors à projeter sur vous ce trucrock?

Je ne l’ai jamais compris: au début, cela m’a même effrayée même si j’en ai bien sûr joué.

Le moment le plus kinky, coquin, du disque, c’est le duo avec Roman Polanski, Qui êtes-vous?, un numéro de drague chantée…

Non, ce n’est pas du tout kinky, c’est vraiment un acte d’amour, dans le sens où il m’a fait faire mon premier grand rôle dans Frantic en 1988 et que moi, j’ai voulu lui faire sa première chanson. On a joué le côté Gainsbourg et Bardot, le côté terrien de Bardot plutôt que la fragilité de Birkin. Moi, je ne me sens pas tellement fragile. Je n’ai jamais été attirée par les drogues ou l’alcool et j’ai toujours méprisé les gens qui le faisaient. Je n’avais pas besoin de cela pour danser nue à 16 ans…

Je connais l’anecdote: cela se passe lors d’une soirée de rallye, mais vous aviez gardé votre culotte, non?

(rires) Je crois que j’avais gardé ma culotte, oui. J’aime la vie et je pense qu’il ne faut pas s’abîmer, c’est le premier respect!

Difficile de ne pas parler de ce qui s’est passé depuis l’arrestation de Roman -le 26 septembre 2009-, d’autant que l’album devait initialement sortir début novembre…

Oui, mais cela aurait été obscène à ce moment-là. Alors, je l’ai sorti quand j’ai su qu’il allait être libéré. Ce disque est ma bouffée d’oxygène.

Comment vivez-vous cette épée de Damoclès perpétuelle qu’est la possible extradition de Roman aux Etats-Unis pour y être jugé?

Je suis hyper positive parce que je crois que cela va s’arranger. C’est un pétard mouillé.

Votre première apparition au cinéma a lieu dans Détective de Godard, sorti en 1985…

J’y faisais La Princesse des Bahamas… J’avais un très mauvais rapport avec Godard. Il était horrible et croyait en son génie absolu. Sur le plateau, Johnny Hallyday, Nathalie Baye, Jean-Pierre Léaud et Claude Brasseur attendaient monsieur Godard toute la journée. Johnny, cela le faisait marrer, d’ailleurs à l’époque il m’avait fait jouer dans son clip Excuse-moi partenaire. Johnny m’aimait bien mais les autres trouvaient que j’étais un peu… rock’n’roll!

Donc, contraste absolu avec Roman qui vous embauche sur Frantic, film frénétique sorti en 1988. Vous y tenez l’un des rôles principaux.

Je me suis retrouvée avec Harrison Ford dans un film produit par la Warner, c’est bizarre parce que c’est mon premier grand rôle et le meilleur film que j’aie fait. Cela me fait de la peine parce qu’à part mes disques, merde, je n’ai fait que régresser.

Il semble que vous ayez été sous-employée au cinéma, pourquoi?

Le fait que je sois la femme de Roman Polanski, cela bloque les autres… Et puis il y a peut-être mon côté insoumis. Je n’aime pas être instrumentalisée.

Mais c’est la définition de l’actrice cela!

C’est pour cela que comme actrice, je me suis toujours sentie dans une petite boîte. Depuis que je fais de la musique, cela a libéré l’actrice en moi, donc, je m’en fiche complètement. Au cinéma, il y a quelque chose de très lisse, bourgeois. La musique est plus charnelle, sauvage et joyeuse.

Rencontre Philippe Cornet

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