Le Revenant

Eric Chauvier aime malaxer la sociologie, l’anthropologie et la littérature dans des textes ironiques vitriolant la bien-pensance. C’était déjà le cas dans Contre Télérama, ode engagée et décapante à la banlieue, ça l’est encore dans Le Revenant qui, sous ses attributs fictionnels de comédie noire gothique, dézingue notre époque. Son témoin à charge n’est autre que Charles Baudelaire, de retour parmi les vivants. Sauf que le poète dandy n’est plus que l’ombre de l’ombre qu’il était, épave humaine agonisant sur le bitume. Comme frappé d’une double malédiction, s’ajoute à ce physique repoussant une mémoire défaillante engloutissant les réminiscences de l’oeuvre visionnaire qu’il a laissée à la postérité. Il n’en faut pas plus pour que ce zombi claudiquant aveugle à la beauté féminine qui incendiait ses vers ne devienne la proie facile du dégoût et du mépris d’une foule ignorant que  » le zooscatophage qu’ils exècrent décrivit avec une acuité sans pareille l’individualisme qui gouverne leurs manières de citadins« . De sa plume saillante et caustique constellée de perles puisées dans Les Fleurs du mal et dans Le Spleen de Paris, Chauvier tisse un conte maléfique dont la volupté poisseuse et spleenétique n’a d’égal que l’étendue des milieux éreintés, des hipsters aux âmes charitables en passant par les faux-culs du marché de l’art. Une redoutable décharge de chevrotine poétique.

D’Eric Chauvier, éditions Allia, 80 pages.

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