Le Retour

Le fantasme a toujours fait partie de l’univers de l’enfance, et celui qui entoure la guerre est un des plus tenaces, surtout pour celui qui ne l’a pas vécue. Chez certains, il perdure au-delà de l’enfance, le transformant en une oeuvre, comme chez Tardi. Benjamin Dickson, l’auteur anglais de Le retour, a procédé de la même manière que son illustre aîné: il a interrogé son père, enfant durant le Blitz. Il en résulte cette très touchante bande dessinée. 1945, Ralph, bientôt 12 ans, vit avec sa mère dans un Bristol en ruines. Son père est parti à la guerre voilà six ans. Démobilisé, il est l’un des premiers à rentrer. Pressé de questions du style « tu as tué combien d’Allemands? », le père s’enferme dans un mutisme duquel il sort pour aller boire des coups et en donner à sa femme et son fils à son retour. À l’école non plus rien ne va: les camarades de Ralph commencent à trouver suspect le fait que son père soit le premier à rentrer; peut-être est-il tout simplement un lâche qui s’est caché au lieu de combattre? Bref, le retour, qui devait être une fête, s’est très vite transformé en cauchemar. À l’époque, on ne parle pas encore de syndrome post-traumatique bien qu’il le soit suggéré ici. Le fait que la Grande-Bretagne n’a pas été envahie, l’incompréhension de ce qu’ont vécu les soldats par la population civile est totale. Le dessin froid et figé accentue cette distance entre les gens, mais n’enlève en rien l’émotion qui émane de ce poignant récit.

Le Retour

De Benjamin Dickson, éditions Actes Sud/l’An2, 150 pages.

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