Le Monstre de la mémoire

Devenu malgré lui spécialiste de la Shoah et guide des groupes de jeunes Israéliens venus faire leur devoir de mémoire à Auschwitz ou Sobibor, un historien attaché au Yad Vashem doit souvent délaisser femme et enfant pour refaire inlassablement le tour des camps d’extermination, et répéter sans faillir les détails sidérants et effroyables de l’élimination systématique de six millions de victimes, juives pour la plupart. Sous forme épistolaire, ledit historien écrivant au directeur de l’Institut international pour la mémoire de la Shoah à Jérusalem, l’avocat et écrivain Yishaï Sarid montre à la fois comment l’Holocauste devint pour Israël comme un immense tombeau sur lequel la nation serait en partie bâtie, comment la répétition de ces visites finit par nuire à l’équilibre mental de son personnage de nouveau gardien de la mémoire, et comment l’efficacité mortifère des bourreaux peut susciter une fascination malsaine, mais réelle, chez les descendants des victimes. Avec au bout du compte un constat amer, mais sans équivoque et dénué d’angélisme dressé par l’auteur: la violence, parfois meurtrière, d’un peuple vis-à-vis d’un autre parait inéluctable quand il s’agit de sa survie, surtout après les atrocités subies par le premier.

de Yishaï Sarid, éditions Actes Sud, traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz, 116 pages.

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