Le Léopard de Kubilai Khan

© ASTRID DI CROLLALANZA

Vous rappelez-vous du Chapeau de Vermeer? C’était en 2010. Pour ceux d’entre nous qui ne font pas partie des cercles les plus fermés de la sinologie, c’était la première fois que nous entendions parler de Timothy Brook. Le bonhomme ne manquait pas de titres à faire valoir, pourtant: diplômé de Harvard, ancien professeur à Stanford et Oxford, le titulaire de la chaire d’études de la « République de Chine » à l’université de Colombie-Britannique, au Canada (en clair: l’université de Vancouver), est un des plus grandes figures mondiales de l’étude de la culture chinoise. Mais à ses titres de savant, l’historien en rajoute un autre, qui achèverait de rendre jaloux un saint: une fée s’est penchée sur son berceau d’enfant pour lui faire le don suprême, celui de la narration -et on ne parle même pas du physique, l’homme étant aussi beau que stylé. Dans Le Chapeau de Vermeer, ce don éclatait à chaque page, promenant le lecteur de la campagne de Delft aux rivages de la mer de Chine avec une élégance et une érudition consommées, nous rappelant à quel point les images les plus attachées à ce que nous croyions être la culture européenne (celles des peintures de Vermeer) dépendaient en réalité de ce qui se passait au bout du monde. Mais, avec Le Léopard de Kubilai Khan, Brook a passé la sixième: cette fois, ce ne sont pas les détails cachés dans des peintures qui l’intéressent, mais la grande histoire des hommes qui n’ont cessé de tisser les liens entre la Chine et le reste du globe. Au contraire de ce que veut un cliché tenace, l’Empire du Milieu n’a jamais refusé d’entrer en contact avec un monde qui préférait l’ignorer, mais au contraire a multiplié les connexions et les influences avec lui. L’art, la pensée, les sciences ou le commerce, jusqu’à aujourd’hui, n’ont cessé d’en éprouver la patte -pour le meilleur, souvent, et parfois aussi pour le pire. Il faut suivre Brook et ses personnages, et, à la lecture de leurs aventures, pousser des « Oh! » et des « Ah! » à chaque page, pour le comprendre.

Le Léopard de Kubilai Khan

De Timothy Brook, éditions Payot, traduit de l’anglais (Canada) par Odile Demange, 544 pages.

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