Le joker
Après le carton de XEU, Vald fait le break avec Ce monde est cruel, nouveau tour de force rempli de mauvais esprit et de tubes en puissance.
Le 7 juillet dernier, Valentin Le Du est chez lui, tranquille, en train de checker les dernières tendances YouTube quand il reçoit un message de son booker belge: l’Américain Offset a annulé sa venue au festival des Ardentes, pourrait-il éventuellement le remplacer au débotté? Il est midi. Le concert est prévu le jour même aux environs de 17 heures, à Liège. Pas de souci: sa cape de Vald enfilée, le rappeur parisien déboule pile-poil à l’heure. Le temps de mettre le gros souk, s’enfiler quelques rafraîchissements, encaisser le chèque, et repartir dans l’autre sens: le « casse » parfait. Vald raconte l’épisode sur son nouvel album: » On m’appelle à midi pour un braquo en fin d’après-m’/J’arrive pas cagoulé, j’arrive en claquettes/tout le monde les mains en l’air, je prends la recette » dans le titre Dernier retrait. L’anecdote en dit long, à la fois sur le fonctionnement du rap actuel, mais aussi sur le statut de Vald. S’il a pu donner au départ l’impression de se satisfaire de son rôle de troll à la marge, le rappeur d’Aulnay-sous-Bois n’a cessé de charbonner -huit projets en sept ans- pour devenir aujourd’hui l’un des agitateurs centraux de la scène hexagonale. L’an dernier, l’album XEU avait fait le break: double platine en France, soit 200 000 ventes au compteur, grâce notamment au tube Désaccordé...
La gloire donc, et surtout l’argent. Il en est d’ailleurs beaucoup question sur le nouveau Ce monde est cruel: du morceau d’ouverture Poches pleines à la rigolade provoc’ potache de Pensionman– » qui veut un salaire? je lui fais un gosse« . Quoi de plus normal quand on se vante, comme l’intéressé, de pratiquer un » rap capitaliste« …
Chez Vald, il ne faut toutefois jamais prendre la rime au pied de la lettre. Le rappeur a toujours aimé jouer l’outrance et l’absurde, pour, derrière, faire passer quelques sentences plus réfléchies. Voire carrément politiques. Dans une récente interview au magazine Society, il expliquait vouloir prendre un tournant plus sérieux, moins guignolesque. Dans les faits, Ce monde est cruel est encore loin de l’album à thèse. Cela n’empêche toutefois pas Vald de dézinguer l’époque avec une férocité jouissive. La pochette renvoie à l’affiche d’ Apocalypse Now. Dans un album misanthrope à souhait, le rappeur n’hésite pas, en effet, à balancer le napalm – » Qu’est-ce qu’ils vont faire? Me briser le coeur? C’est bon, y a rien dedans » ( Keskivonfer). Le flow acrobate ( NQNTMQMQMB) et vicieux ( Halloween avec SCH), Vald grince – » C’est bon pour le bénéf’ si c’est la panique/c’est bon pour le bénéf’ si c’est la famine » ( Journal Perso II)-, crâne et vanne ( » Ce monde est Bruel« ), n’hésitant pas à pointer ses propres contradictions et vanités ( » Ouais, le sexe et l’argent, ça fait tout/J’ai les deux et pourtant, ça fait rien« ).
À mi-chemin entre la gaudriole hénaurme d’ Agartha et le monochrome de XEU, Ce monde est cruel craint par-dessus tout l’ennui, variant les registres, mais obsédé par le tube (même tordu). Ce faisant, Vald vise à nouveau dans le mille, parfait dans le rôle du poil à gratter, moins rappeur conscient que mauvaise conscience du rap…
Vald
« Ce monde est cruel »
Distribué par Universal. En concert le 22/04 au Palais 12 à Bruxelles.
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