ACTEUR POLYVALENT, AARON ECKHART DÉZINGUE DES EXTRA-TERRESTRES À TOUR DE BRAS DANS WORLD INVASION: BATTLE LOS ANGELES. UN RÔLE QU’IL A PRIS COMME LES AUTRES: AU SÉRIEUX…

Difficile, a priori, d’imaginer plus éloigné que Rabbit Hole, drame intimiste de John Cameron Mitchell où un couple tente de survivre au deuil de son enfant, et World Invasion: Battle Los Angeles, film de science-fiction de Jonathan Liebesman, où un groupe de Marines n’en finit plus d’en découdre avec des extra-terrestres particulièrement agressifs. Rapprochés par les hasards du calendrier des sorties, les 2 films ont également en commun un même acteur, Aaron Eckhart, dans ce qui ressemble à une nouvelle déclinaison de la figure du grand écart. Encore qu’il s’en défende, alors qu’on le retrouve dans un grand hôtel parisien, où il assure, un large sourire aux lèvres, la promotion du second: « On m’interroge souvent sur la différence entre ces 2 rôles, mais pour ce qui est de mon approche, il n’y en a eu aucune. Aussi sérieux que soit Rabbit Hole, combattre des extra-terrestres ne l’était pas moins à mes yeux. « 

Eckhart, les cinéphiles l’ont découvert il y a une quinzaine d’années, à l’affiche de In the Company of Men, excellent film de Neil LaBute, metteur en scène rencontré alors qu’il étudiait à la Brigham Young University, et dont il est l’un des fidèles, sur les planches comme à l’écran. Suit un parcours qui force le respect, aux côtés des Stone ( Any Given Sunday), Penn ( The Pledge) et autre Soderbergh ( Erin Brockovich), avant le rôle qui l’impose dans l’£il d’un large public comme l’un des acteurs américains les plus doués de sa génération, celui de Nick Naylor, le cynique lobbyiste pro-tabac de Thank You for Smoking, premier long métrage de Jason Reitman. Trois ans plus tard, et après des arrêts à la case De Palma ( The Black Dahlia) ou Alan Ball ( Towelhead), The Dark Knight, de Christopher Nolan, enfonce le clou de sa notoriété, sous les traits avantageux du procureur Harvey Dent cette fois.

Un bras cassé? Et alors…

Dans la foulée, l’acteur californien s’est multiplié sur divers fronts, puisqu’on l’a vu, par exemple, donner la réplique à Jennifer Aniston dans la comédie romantique Love Happens, preuve qu’il n’y a pas grand-chose, sans doute, pour l’effrayer, avant d’enchaîner récemment Rabbit Hole et World Invasion. Difficile, en tout état de cause, de faire plus éclectique. Ce que Eckhart concède bien volontiers: « Ce que j’aime par-dessus tout, c’est jouer. Et relever des défis en tant qu’acteur. Avoir du succès au box-office ou devenir une star n’est jamais entré en ligne de compte, ma vie ne tourne pas autour de cela. Derrière chaque film, il y a un défi d’acteur. Battle Los Angeles , c’est cela avant tout autre chose: réussir à rendre ce personnage réel.  »

Quand Aaron Eckhart parle de défi, c’est tout sauf une parole en l’air. L’acteur est un adepte inconditionnel de la Méthode en effet. Le genre, par exemple, lorsqu’il préparait Rabbit Hole, à infiltrer anonymement un groupe de parole réunissant des gens qu’avait frappés le deuil d’un proche -expérience limite d’un point de vue éthique, de son propre aveu. Ou encore, s’agissant d’incarner un Marine dans World Invasion, à intégrer un camp d’entraînement de l’armée pendant quelques semaines, pour ne plus lâcher ensuite son personnage de sergent-chef menant ses troupes à la baguette. Au point de ne pas connaître ses partenaires par leur vrai nom. « Pas plus qu’eux n’avaient à connaître le mien », ajoute-t-il, évoquant sa manière, radicale, de rester dans son rôle 24 heures sur 24, dût-il froisser l’une ou l’autre susceptibilité. Ainsi, celle du chanteur de R&B Ne-Yo, l’un des Marines du film, dont la Toile a relayé l’étonnement, pour ne pas dire plus, devant l’intensité de l’engagement de l’acteur. Lequel évoque pour sa part « un film difficile à faire, très physique, très chaud, très humide. Je me suis cassé le bras, et j’y ai laissé quelques dents…  »

Aimable péripétie, croirait-on, à entendre Eckhart évoquer l’épisode sans plus d’émotion -pour peu, on jurerait que croiser le fer avec Catherine Zeta-Jones pour No Reservations fut une autre paire de manches. Si le cinéma l’a le plus souvent montré sous les traits d’un individu avenant, sachant user, voire abuser de son charme, l’acteur n’en apprécie pas moins les rôles physiques. Et en assume, à l’évidence, les risques éventuels, lui qui, sauf rares exceptions, ne laisse à personne d’autre le soin d’exécuter ses cascades: « une question de crédibilité, explique-t-il. Une cascade ne tombe jamais de nulle part, avec un début et une fin propres. Elle doit s’intégrer à une scène qui a débuté avant, et qu’il vous faut poursuivre ensuite. Pour World Invasion, nous avons veillé à ce que tout soit le plus réel possible: le sang, la sueur, la fumée, tout ce qu’on voit dans le film est vrai. Pendant 4 mois, ce n’était que rouler sur le sol, à raison de 12 heures par jour, suer jusqu’à épuisement. Et moi, de gueuler: « soldat, ramène ton c.. jusqu’ici… «  -débriefing qu’il accompagne d’un immense éclat de rire, comme pour accréditer l’idée que tout cela ne fut qu’une vaste partie de plaisir.

YouTube, fenêtre sur le monde

Ce souci de vérité, Eckhart l’applique jusque dans ses sources d’inspiration. On l’imagine dégustant du film de guerre jusqu’à plus soif, voire les mille et une variations sur les invasions extra-terrestres pondues par Hollywood depuis des temps immémoriaux afin de préparer le personnage du sergent Nantz? Il répond s’en être remis, pour bonne partie, à YouTube, comme il l’avait d’ailleurs fait pour Rabbit Hole. « Il n’y a rien de plus intéressant pour un acteur, on y a une fenêtre sur ce qui se passe ailleurs dans le monde. Voyez, par exemple, les infos sur ce qui se passe aujourd’hui au Japon: où chercher de meilleurs exemples de héros, de gens qui se découvrent un courage qu’ils ne soupçonnaient pas avoir ou qui doivent survivre dans des circonstances extrêmes. » Soit le lot de l’escouade de Ma-rines qu’il commande au c£ur du chaos, alors que l’humanité est sur le point de succomber aux assauts d’aliens belliqueux venus s’approprier les réserves d’eau de la planète.

Devant la caméra de Jonathan Liebesman, ce combat pour les ressources naturelles épouse les contours d’un film de guerre autant que de science-fiction, assorti d’un couplet à la gloire des Marines et de l’Amérique. Volet propagandiste qu’assume l’acteur sans sourciller: « Je suis fier de mon pays, tout comme je considère que chacun devrait l’être du sien. Sans qu’il ait été tourné avec cet objectif, le film rend hommage aux Marines, c’est vrai. C’est une histoire de courage, et en ce sens, j’en suis fier. Il ne s’agit pas pour autant d’un instrument de recrutement. Je suis allé visiter les troupes en Afghanistan. J’ai rencontré des soldats de différentes nationalités et ce sont des gens bien. S’il y a une chose à éviter, c’est de confondre ces hommes, sur le terrain, et les politiciens. » Une question d’agenda, en effet, celui de World Invasion étant, en tout état de cause, suffisamment grossier pour plutôt prêter à sourire…

Disciple de Cartier-Bresson

Dans la foulée de ce blockbuster annoncé, Eckhart s’en est retourné vers ses amours indépendantes -le grand écart, toujours-, tournant The Rum Diary, d’après Hunter S. Thompson. Et puisqu’il semble décidément insatiable, il enchaînera, dans les prochains jours, avec The Expatriate, de Philipp Stölzl, un film où il joue un ex-agent de la CIA, et qui l’amènera, pour plusieurs semaines, à… Bruxelles. On ne serait donc pas surpris de l’y croiser armé d’un appareil photo cette fois -c’est là son autre passion, en effet. « J’ai commencé au contact de Herb Ritts, pour qui j’avais fait une session. L’un des avantages du métier d’acteur, c’est qu’on y est toujours encadré des plus grands photographes, et qu’on peut leur soutirer des renseignements. Le simple fait de marcher, avec un appareil photo, peut vous amener à des situations fantastiques et inimaginables que vous serez le seul à connaître. Ce que j’aime par-dessus tout, c’est d’anticiper le comportement des gens. Par exemple, lorsque je me balade ici à Paris, voir des éléments converger avant que quelque chose se produise, et être prêt. Je veux voir la photographie accrochée au mur avant même de l’avoir prise.  » Une autre façon d’approcher la vérité, en disciple de Cartier-Bresson cette fois…

RENCONTRE JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À PARIS

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