Début 2008, Focus s’invitait à la table clairsemée de la presse culturelle belge francophone. Pas pour faire de la figuration mais bien avec l’ambition de mettre sur orbite un projet éditorial fort, vitaminé et indépendant de toutes les chapelles. Ça peut sembler tarte à la crème vu que personne ne dira le contraire, mais nous pouvons affirmer les yeux dans les yeux que nous avons toujours été libres de nos mouvements et de nos humeurs (que Roularta en soit remercié). Les marchandages, les compromissions qui insultent l’intelligence et salissent la réputation, nous les avons toujours refusés. Quitte à passer à côté de la floche people agitée par nos interlocuteurs. Mais tant pis. Ou même tant mieux: le tout-cuit est souvent un piège qui anesthésie les sens, formole l’esprit d’initiative. Alors que l’inconnu aiguise la créativité, ce mot-clé inscrit en lettres capitales au fronton de notre navire. Refus de se laisser hypnotiser par les marchands du temple, refus aussi de s’assoupir sur le matelas de la routine, du procédé, voire de l’autosatisfaction. Le doute nous sert de lampe de chevet. On peut y voir une forme d’idéalisme à rebours d’une époque qui brasse le vent et accorde des primes à la haute estime de soi. Il y a de ça, mais avec une dose d’opportunisme: dans un marché saturé d’informations low calories, nous sommes convaincus que le mélange d’exigence et de passion qui nous sert de carburant aura les faveurs des lecteurs, du moins ceux qui ont choisi de ne pas se laisser piétiner le cerveau. Une main sur le manche de la rigueur intellectuelle, l’autre sur le levier du plaisir, Focus plane en altitude plutôt qu’au ras des pâquerettes où l’on se marche sur les pieds. Cinq ans et des poussières plus tard, nous n’avons pas (et tant pis pour la modestie) à rougir du chemin parcouru. Tout n’est pas parfait bien sûr, les chantiers ne manquent pas (comment améliorer l’offre Internet sans flinguer le papier, par exemple), mais dans les grandes largeurs, le cahier des charges de départ a été respecté. Cet état d’esprit frondeur a présidé à la refonte graphique du magazine. On ne change pas un ADN qui gagne. La formule que nous étrennons aujourd’hui perpétue donc nos fondamentaux, entre mise en perspective, bichonnage de la langue et subjectivité bien charpentée. Le tout sans oeillères, sans tabous et sans esbroufe. Le nouveau costume est juste plus aéré, plus souple, plus sexy et plus adapté à nos envies. Après une demi-décennie de bons et loyaux services, la version 1.0 avait atteint ses limites malgré les upgrades successifs. Il fallait repenser le châssis. On vous épargne un mode d’emploi laborieux. Les nouveautés sautent aux yeux, comme le dessin de la légende Kamagurka ici présent. La fluidité de la maquette, où dossiers et critiques cinéma, musique, etc. sont désormais regroupés, devrait parler d’elle-même. Si ce n’est pas le cas, c’est que nous avons échoué… Il vous faudra juste dépasser cette appréhension du changement, qui est comme un corset qu’on hésite à retirer avant de se rendre compte qu’il nous comprimait la poitrine. Après une ou deux semaines, vous respirerez mieux dans nos colonnes…

PAR Laurent Raphaël

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