IL FAIT DU RHYTHM’N’BLUES À L’ANCIENNE. A PEU DE FRIC. N’AIME PAS LE MOT SOUL ET LES COMPARAISONS AVEC AMY WINEHOUSE. LE CALIFORNIEN NICK WATERHOUSE SE RACONTE AVANT SON PASSAGE AU FESTIVAL DE DOUR.

Grandes lunettes, le cheveu court et bien peigné… Nick Waterhouse ressemble à Bill Evans et Buddy Holly. Le Californien né il y a seulement 26 ans a un look d’un autre temps et une musique guère plus contemporaine.  » Encore de la blue-eyed soul. Un petit blanc-bec qui essaie de faire de la musique de noirs« , entend-on déjà ruminer les langues de vipère. Sauf que le premier album de Waterhouse, Time’s All Gone, a ce petit supplément d’âme et un côté garage qui font défaut aux Mayer Hawthorne et autres Blanches Neiges d’un revival organisé.  » J’ai beaucoup d’amour et de respect pour la culture afro-américaine. Je ne la traite pas à la légère, se défend le puriste dans un bar à touristes de Paname. Je déteste d’ailleurs utiliser le terme soul. Soul était un mot si fort et férocement indépendant utilisé par une vraie communauté avant d’être maltraité par des gens qui lui ont donné une signification aussi merdique qu’au rock’n’roll. Il y a une différence entre James Brown ou Wilson Pickett qui clament You’ve got a lot of soul en 1968 et des critiques qui utilisent ce mot pour des reviews de mauvais disques dans les années 80 et 90. On stérilise tout. C’est plus criminel que moi qui fais de la musique inspirée par les noirs. »

Nick Waterhouse préfère le terme rhythm’n’blues utilisé dès 1949 par le journaliste et producteur Jerry Wexler pour remplacer l’expression péjorative « race », musique raciale, dans les colonnes du Bilboard Magazine. Le sien de rhythm’n’blues, il est vintage, dansant et sacrément bien foutu. Nick l’a façonné comme il a pu. A la sueur de son front et de ses maigres économies…  » Beaucoup de projets retro soul ne sont pas nés dans la dèche. Mis à part avec Daptone et quelques autres passionnés, ils sont devenus des exercices de style. Les journalistes continuent de m’interroger sur Amy Winehouse. Elle a enregistré des hommages mais me comparer à elle est injuste. Je n’avais pas un budget de 50 000 dollars, un directeur artistique et un producteur pour mettre en boîte mes chansons. Puis, je n’ai pas engagé des mecs qui sont devenus des bêtes parce qu’ils ont passé quinze ans de leur vie à enregistrer sincèrement leurs propres disques. Décidés à trouver eux-mêmes leur son. »

Fan de 45 tours

Time’s All Gone est donc né dans le stress, l’urgence et l’anxiété. A vrai dire, Nick Waterhouse pensait ne jamais enregistrer d’album. Il est fan de 45 Tours et dans un monde idéal, c’est le seul format qu’il aurait utilisé.  » Tu ne l’achètes que si tu l’aimes. Tu n’as pas d’excuse. J’adore cette idée. Rien à voir avec un album que tu peux posséder pour seulement un ou deux morceaux sur dix. Par dessus le marché, le 45 Tours est le format qui va le plus fort et reste le plus propre parce qu’il tourne plus vite. Il y a une raison pour laquelle ils font toutes ces rééditions de jazz sur des 45. C’est ce que tu peux dégoter de plus proche des master tapes.  »

Le nom de Nick Waterhouse a commencé à circuler dans les milieux autorisés après la sortie de Some Place. Un constat authentique sur le fait de ne pas être satisfait, de se sentir seul, de chasser l’endroit ou le moment qui nous rendra plus heureux. Le single a coûté 1200 dollars dont 600 avancés par des potes. La moitié du premier pressage s’est vendue en une petite nuit d’hiver.  » Un concours de circonstance. Des DJ’s allemands et espagnols genre taste makers ont passé commande et en même temps, aux Etats-Unis, j’avais sur le dos la génération Internet après avoir ouvert un compte Tumblr. Deux mondes se sont quelque part rencontrés. » Nick ne se considère pas comme un collectionneur. Il a toujours tout fait pour distinguer le nécessaire de l’accessoire.  » Il y a une citation géniale du pianiste de jazz Andrew Hill dans les années 80. Il affirmait que la musique était passée du stade de l’appréciation à celui de la consommation. Perso, je ne crois pas en la propriété. Ce que représente pour moi le collectionneur. Je cours derrière lui en quête de certains disques mais parce que j’ai l’impression qu’entendre cette chanson au moins une fois dans de bonnes conditions est une question de vie ou de mort. Je n’achète un disque que parce que j’ai envie de l’entendre.  »

Mécène?

Nick Waterhouse a commencé par la trompette à neuf ans et l’a troquée à douze contre une guitare électrique.  » J’étais un gamin qui vivait tout seul dans sa tête. Un enfant solitaire. Je lisais beaucoup de bouquins. J’écoutais énormément de musique. Mais j’essayais moins de m’échapper que de me construire un monde. De déterminer comment y exister. »

La musique, il l’a apprise en jouant les DJ’s dans les clubs de San Francisco… Waterhouse y a déménagé à 18 piges pour fuir la Californie du sud et le désert culturel d’Orange County. Il en avait 24 au moment d’enregistrer Some Place. Entretemps, il y a eu les études et pas mal de petits boulots. L’un récurrent dans un petit magasin de disques.  » Une autre partie de ma formation musicale. » Ont suivi des galères et des mauvaises rencontres aussi.  » Un type à New York m’a dit: « Tu dois faire entendre tes chansons au monde. Je crois en ce que tu fais et je suis riche. 4000 dollars, c’est rien pour moi. Réserve ton studio. » Puis lorsque le groupe était sur place et que le boss m’a demandé de payer, mon mécène a arrêté de répondre au téléphone et aux e-mails. » Nick ne pouvait heureusement déjà plus faire machine arrière…

TIME’S ALL GONE, DISTRIBUÉ PAR INNOVATIVE LEISURE. LE 12/07 À DOUR.

RENCONTRE JULIEN BROQUET, À PARIS

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