DIEGO MARTINEZ VIGNATTI, LE RÉALISATEUR BELGO-ARGENTIN DU BEAU ET GÉNÉREUX LA TIERRA ROJA,FAIT RIMER WESTERN ET ENGAGEMENT POLITIQUE.

Les arbres du cimetière d’Ixelles tout proche ondulent dans le vent. Le soleil est à son zénith et Diego Martinez Vignatti tombe la veste à la terrasse d’un de ses bars préférés. Le cinéaste belgo-argentin a des faux airs de George Clooney, et des idéogrammes japonais tatoués sur les bras. La conversation démarre à quelques milliers de kilomètres, à Misiones, au nord-est de son pays natal où le réalisateur de Nosotros et La Marea est allé tourner son nouveau film. « La Tierra Roja est en tout point le film que je voulais faire, celui pour quoi nous nous sommes battus pendant trois ans, mon producteur et moi« , déclare un cinéaste qui renoue, tout en étant on ne peut plus contemporain, avec la belle et grande tradition des films de prise de conscience qui fleurit dans les années 70 avant que les années 80 ne fassent place à la désillusion, à une noirceur progressive que la décennie suivante allait voir culminer sous la forme d’un contagieux cynisme. « La Tierra Roja est un film nécessaire pour notre époque (quand on regarde le monde), et on dirait en même temps qu’il n’est pas de cette époque (quand on regarde le cinéma actuel). C’est un film au premier degré. Sans l’ombre d’une pose, et donc totalement exposé, sans le bouclier que permet la distance. On peut se faire traiter d’imbécile, de crétin, c’est le risque. Mais je fais dans ce film acte de générosité totale, je ne prends pas mes personnages de haut, je ne laisse aucune place à l’amertume, ni encore moins au cynisme. Je SUIS mes personnages. Je suis du côté des gens, du côté des faibles, de ceux qui ne peuvent pas se défendre… » Ses propres origines prolétaires, les mêmes qui l’ont longtemps fait se sentir « mal à l’aise, pas à ma place » dans un milieu du cinéma très majoritairement issu de la bourgeoisie, lui offrent aujourd’hui « un sentiment de légitimité » pour évoquer « l’injustice sociale, la lutte des pauvres« . Et de le faire avec ce sens épique, héroïque, « westernien », qui fait singulièrement vibrer La Tierra Roja.

Jamais résigné

« Enfant puis adolescent, j’ai longtemps cru que le cinéma rendait les gens meilleurs, plus beaux, plus purs, plus attachants… Et aussi que le cinéma pouvait apporter plus de justice dans le monde… Bien sûr c’était naïf, mais je me souviens de cela avec beaucoup de tendresse« , confie celui qui se définit aujourd’hui comme « un pessimiste combatif« . « Le monde va mal, je ne vois pas dans l’immédiat de solution aux problèmes, entre autres parce que le politique nous a trahis, précise Martinez Vignatti,mais je ne peux pas me résigner, être un mouton qu’on égorge, je refuse de ne pas me battre jusqu’au bout, pour mes enfants. Et par solidarité avec tous ces gens qui souffrent dans le monde pour satisfaire l’appétit de gain de quelques salopards avec la complicité de la classe politique.  »

Sa combativité, le réalisateur l’exprime aussi dans le sport, pratiquant les arts martiaux et ce rugby auquel il donne, dans La Tierra Roja, valeur de métaphore. Chorégraphe des bagarres prenant place dans son film, il revendique « une approche physique, sensuelle« , dont l’épanouissement manifeste à l’écran donne à ses images un puissant aspect « habité ».

« Le cinéaste d’aujourd’hui est un chasseur de primes, il va où est l’argent, qui est de plus en plus difficile à trouver« , constate un Martinez Vignatti qu’une possible co-production aurait pu faire transposer son film à… l’Europe du (grand) nord! Mais il avait élu le lieu de tournage de La Tierra Roja en même temps qu’il en avait écrit l’histoire. Ce serait Misiones ou rien, « même si ce serait plus long, plus compliqué… » « J’ai vécu là-bas sept semaines de jouissance« , clame un réalisateur ému, rayonnant au souvenir d’une « expérience vitale, répondant à un besoin profond« . Il désirait avec ferveur « ce western, avec des coups de feu, des coups de poing, des chevaux, des poursuites, un héros grand, costaud, viril, et une héroïne peut-être plus forte encore que lui. Avec des bons et des méchants, aussi, même si c’est un western contemporain et que le mal, le vrai, est en nous, et suppose un combat intérieur plus difficile encore… » Et d’insister sur la dimension mythique du film, devenue palpable dans la brume d’une mémorable scène finale, et où s’incarne « non pas une lutte, mais LA lutte, qui durera éternellement« .

RENCONTRE Louis Danvers

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