Le Chien rouge

Professeur d’université et écrivain rigoureux, Peter Seurg a disparu. Sa vocation depuis l’enfance est d’être artiste mais sa mère le sermonne que ce n’est pas une situation. Retiré en lui-même, en quête d’un inaccessible absolu, Seurg envoie tout valdinguer: la pression du travail, le harcèlement administratif et jusqu’à sa chère et tendre Neith se consument dans le brasier d’une colère sourde. « Bien sûr, j’étais en dépression et, bien sûr, elle était sévère. Quel moyen nous restait-il pour nous révolter dans l’univers du totalitarisme friendly? » Dépressif mais rageur, démoli mais debout, Seurg aborde la cinquantaine en aspirant à l’épure d’une existence lui appartenant en propre. Noircissant des pages dans l’alcool, dans le bouillon des antidépresseurs, dans le brouillon des drogues, il écoute gronder en lui un chien enragé, ivre de liberté. Dans une France macronisée sous anxiolytiques, Philippe Ségur ( Vacance au pays perdu) traque l’insoumis et crame le superflu, offre une caisse de résonance au tumulte intérieur: l’homme contre l’animal, l’universitaire contre l’artiste, le bourgeois contre l’insurgé. Rendant hommage à son modèle Le Loup des steppes (Herman Hesse) dont il épouse la construction, le roman emprunte une voie de flammes. Sur la ligne de crête des abysses et de leurs abus, ce pourrait être l’histoire d’un homme qui ne s’aimait pas, à qui il faudra apprendre à faire la paix avec lui-même. À l’écart de la vulgarité des amuseurs, du culte de la pub, du règne du porno, un livre dont l’aura demeure vivace. Longtemps. Penché par-dessus notre épaule, Herman Hesse nous susurre que c’est un livre  » seulement pour les fous ».

De Philippe Ségur, ÉDITIONS Buchet/ Chastel, 240 pages.

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